Cantat parle
On se souvient jadis d'un patron de Formule 1 qui avait tué sa femme à
coup de fusil mais qui avait purgé une peine assez peu lourde dans des
conditions VIP.
On se souvient aussi hélas de la
sublime et fragile Marie Trintignant, peut-être pas facile à vivre mais facile
à tabasser à coups de poing dans la nuit de Vilnius. 10 ans après, sa demi peine
purgée, son meurtrier a remis son habit de lumière. Bertrand Cantat, chanteur
sulfureux et ténébreux, sort son nouveau CD dans quelques jours. Normal après
tout qu'il reprenne son métier car il n'a pas été condamné à perpétuité. Et
puis on n'est pas obligé d'acheter son disque.
Beaucoup plus indécente est la
campagne de promo que Cantat s'est offerte dans le magazine les Inrockuptibles . 3 heures d'entretien et
5 pages de texte. Donc Cantat parle. De son amour pour Marie. Mais oui. De l'exiguïté de sa cellule à
Vilnius. De l'impossibilité qu'il avait de rêver et d'écrire. Des chansons
qu'il ne pouvait plus écouter en taule. De sa souffrance, de ses remords, des
jours qui sont devenus pires que les nuits, car il n'y a plus de limite dans le
cauchemar.
Alors, c'est sûr, c'est un peu plus
littéraire qu'une interview du meurtrier lambda. Mais quand Bertrand Cantat
parle de ses envies de suicide, on se rappelle du mot terrible que l'avocat
Maitre Floriot avait asséné il y a un siècle à Pauline Dubuisson, une jeune
femme qui avait tué son amant et qui avait fait semblant de se suicider avant
l'audience : "Décidément, Madame, vous ne réussissez que vos
assassinats ".
Alors que Cantat reprenne une vie
d'homme libre, soit. Qu'il nous demande d'oublier, non. Qu'il chante, soit.
Qu'il parle, non. Même l'indécence a des limites.
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