États-Unis : pour générer des royalties, un escroc crée des centaines de milliers de chansons grâce à l'intelligence artificielle

La combine de Michael Smith, un homme d'une cinquantaine d’années, a fini par attirer l’attention et la justice. Il a été arrêté début septembre et inculpé.
Article rédigé par Loïc Pialat
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Ce type d'arnaque est une première pour le bureau de procureur de New York, selon le New York Times (photo d'illustration). (ALENGO / E+)

Voilà une arnaque à l’intelligence artificielle qui en annonce peut-être de nombreuses autres. En créant des groupes de musique grâce à l’IA écoutés ensuite en boucle sur les plateformes de streaming, un homme aurait gagné plus de dix millions de dollars en royalties. Peut-être le sujet d'un futur documentaire sur Netflix ou un film hollywoodien. 
 
Le New York Times (article payant) raconte cette histoire un peu folle, jeudi 5 septembre. Elle se passe en Caroline du Nord, au sud-est des États-Unis. Un homme d’une cinquantaine d’années, Michael Smith, s’est dit qu’il y avait de l’argent à faire avec le streaming puisque les royalties y sont versées en fonction du nombre d’écoutes d’un morceau. Il a essayé avec sa propre musique, sans succès. Alors en 2018, il a contacté un promoteur et une société qui produit de la musique avec de l’intelligence artificielle. Ensemble, ils ont créé grâce à l’IA des centaines de milliers de chansons aux titres créés automatiquement comme Zygophyllum ou Zygotic Washstands, interprétés par des groupes appelés par exemple Calorie Screams ou Calvinistic Dust, "poussière calviniste" en français. Des noms là aussi inventés par un ordinateur. Ensuite, Michael Smith s’est mis au travail. Il a acheté des adresses email en ligne pour créer des milliers de faux comptes sur les plateformes de streaming. Avec un logiciel de sa conception, il a ensuite fait écouter à ces bots les morceaux sur différents ordinateurs. Il aurait réussi à dépasser les 650 000 streams par jour, mais en faisant attention à limiter le nombre d’écoutes par morceaux pour ne pas attirer l’attention.

Trois chefs d’accusation, dont blanchiment d’argent et fraude

Avec cette technique, il aurait gagné 12 millions de dollars de royalties depuis 2019, et sans doute plus au total puisque son plan a démarré avant 2019. Mais malgré ses efforts, sa combine a fini par attirer l’attention et la justice l’a rattrapé. Il a été arrêté début septembre et inculpé. Il fait face à trois chefs d’accusation, dont blanchiment d’argent et fraude. Chacun des chefs d’accusation peut lui valoir jusqu’à 20 ans de prison. À New York, le procureur en charge du dossier a expliqué qu’il "a volé des millions en royalties qui auraient dû revenir à des musiciens, auteurs et d’autres détenteurs de droit dont les chansons étaient légitimement écoutées en ligne". L’identité de ses deux complices n’a pas été révélées. Spotify, l’une de ces plateformes de streaming, dit ne pas avoir de politique contre les artistes qui créeraient du contenu avec de l’IA, à condition qu’ils ne violent pas d’autres règles du site, comme la mise en ligne de contenus trompeurs.

Ce type d'arnaque est une première pour le bureau de procureur de New York, selon le New York Times. Avec ce mode de rémunération numérique, plutôt que la vente de CD physiques, le risque existe et va continuer d’exister. Les bots sont utilisés sur les réseaux sociaux ou pour des arnaques téléphoniques, alors pourquoi pas pour de la musique en ligne ? Le site Slate a évoqué un autre type de fraude dans laquelle des covers générées grâce à l’IA ont été glissées dans des playlists de musique country avec un vague texte de présentation du faux artiste généré lui aussi par de l’IA. Les morceaux s’enchaînent dans la playlist et les écoutes se multiplient.

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