Japon : dans des écoles, un élève virtuel contredit des réponses, afin d'apprendre aux autres à être en désaccord

Pour contrer l'esprit de consensus cultivé au Japon, un professeur a mis au point un élève virtuel qui, en classe, introduit un esprit critique assumé.
Article rédigé par Yann Rousseau
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Keita Kobayashi, professeur à l'université de Fukui, avec l'élève virtuel Himawarichan à l'écran, le 19 septembre 2023. (For editorial use only)(Kyodo) (Capture écran Kyodo (For editorial use only))

Au Japon, des écoles commencent à accueillir un étudiant virtuel dans leurs classes. Il ne s'agit pas d'un hologramme d’élève étranger, mais d'une tablette avec un avatar qui essaye d’encourager les élèves à débattre plus en profondeur des questions de société. L’idée est d’introduire un élément perturbateur qui va aller systématiquement contre le consensus.

Cette application a été développée par un spécialiste des technologies de l’éducation à l’université de Fukui. Le professeur Keita Kobayashi explique qu’il cherchait depuis des années un moyen de générer du débat dans les classes japonaises, où les opinions différentes ne sont jamais valorisées. La société japonaise encourage toujours le consensus, car il y a, dans le pays, une sorte d’interdépendance harmonieuse, où il est crucial de ne jamais se distinguer. C’est le cas dans les entreprises, en politique ou dans la classe.

Apprendre à contredire au pays de l'harmonie

Comme s'il était de rigueur de ne pas être le clou qui dépasse, pour ne pas se prendre un coup de marteau. Ainsi, lorsque les enseignants posent des questions, sur des sujets de société notamment, l’un des élèves, un peu plus téméraire que les autres, va répondre et le reste du groupe va généralement le suivre sans oser donner un avis différent.

La nouvelle application est censée casser ces automatismes en contestant l’avis adopté par le groupe.
Installée sur tablette ou sur ordinateur, elle s’appelle "Virtual Transfer Student", c’est-à-dire "l’étudiant transféré virtuel". Sur l’écran, cet étudiant rebelle a été représenté sous la forme d’un chat blanc un peu humanisé. Il écoute la conversation et ensuite il intervient en donnant un avis différent. Ce n’est pas de l’intelligence artificielle. La machine déclenche en fait des phrases pré-enregistrées qui ont été validées avec les professeurs.

Par exemple, les élèves sont interrogés sur leur réaction en cas de catastrophe naturelle. Le professeur leur demande ce qu'ils feront s'il n'est pas dans la salle en cas de séisme. Assez vite, si l’un des élèves leaders dit qu'il vaut mieux attendre le retour du professeur, le groupe va se mettre d’accord sur cette réponse. L’étudiant virtuel, le chat, va alors intervenir et dire qu’il serait peut-être plus judicieux de sortir de la classe sans attendre le prof. Le débat est alors lancé et des élèves qui n’avaient pas vraiment osé s’exprimer, osent prendre la parole contre le consensus.

Déjà déployé dans une trentaine d'établissements

Les professeurs accueillent cet étudiant virtuel plutôt bien. L’application a été déployée dans une trentaine d’établissements scolaires du pays. Les enseignants qui s’en servent disent qu’ils sont satisfaits. Le programme encouragerait les élèves les plus effacés à prendre la parole.

Et cela permet un débat que les professeurs eux-mêmes ne peuvent pas toujours susciter, puisqu’ils représentent justement l’autorité qu’il ne faut jamais contester. 

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