Microsoft songe à se doter de son propre réacteur nucléaire pour ses projets d’intelligence artificielle
Microsoft a mis en ligne, récemment, une drôle d’offre d’emploi. Pas besoin de maîtriser Excel ou de savoir bricoler une carte mère, en revanche, il vous faudra six ans d’expérience, au moins, dans l’industrie nucléaire. Car Microsoft, d’après la fiche de poste, cherche à embaucher quelqu’un dont la tâche sera, entre autres, de "mettre en œuvre une stratégie dédiée aux microréacteurs nucléaires".
"Small Modular Reactors" (SMR), ou "petits réacteurs modulaires" en français, est une technologie émergente qui a le vent en poupe aux États-Unis. L’autorité de sûreté vient d’ailleurs de certifier, pour la première fois, les plans de l’un de ces SMR. Dans les grandes lignes, ils sont trois fois moins puissants que nos réacteurs conventionnels, mais aussi beaucoup plus petits. Pas besoin de les bâtir sur zone, ils peuvent être assemblés en usine puis déplacés. Ils sont moins chers et leurs promoteurs assurent aussi qu’ils présentent un risque d’accident grave bien moindre que les centrales actuelles.
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Bill Gates investit dans la technologie de la fusion
Microsoft aurait besoin de sa propre centrale nucléaire pour soutenir son effort dans la course à l’intelligence artificielle, qui oppose les géants d’internet et des technologies, comme Google, Amazon et donc Microsoft. Tout cela nécessite de construire de gigantesques fermes de serveurs informatiques qui consomment une énorme quantité d’énergie. La preuve : Microsoft affirme que sa consommation d’eau - nécessaire au refroidissement de ses installations - a augmenté d’un tiers entre 2021 et 2022, au moment où la recherche autour des IA s’est mise à accélérer à plus de six milliards de litres d’eau au total. L’entreprise explore donc l’option nucléaire pour réduire son empreinte carbone.
On sait aussi que Bill Gates, le célèbre fondateur de Microsoft est un fervent partisan du nucléaire. Son entreprise a même investi dans la technologie de la fusion, le Saint-Graal en matière d’énergie, mais dont le développement devrait encore prendre, au moins, quelques décennies.
Un parc nucléaire américain vieillissant
Il est d’ailleurs paradoxal de voir une telle entreprise se tourner vers ces technologies d’avenir, dans un pays au parc nucléaire vieillissant. Près de 40 ans, en moyenne, pour les quelque 90 réacteurs américains. Il faut dire que le développement de la filière a marqué le pas, après l’accident de Three Mile Island, en 1979. Sans compter, depuis les années 2000, la concurrence d’un gaz naturel bon marché.
Joe Biden, avec son plan "infrastructures" a bien prévu six milliards de dollars pour soutenir les centrales en passe de fermer, mais seuls deux nouveaux réacteurs nucléaires sont actuellement en chantier. Leur coût est passé de 14 à 34 milliards de dollars, ce qui pourrait dissuader de futurs projets. Le nucléaire américain est donc dans un entre-deux. La perte de savoir-faire est évidente et les efforts de l’État fédéral pour redonner un coup de fouet au secteur sont timides. Un vrai problème alors que Washington vise le "zéro émission" pour sa production d’énergie d’ici 2035. L’entreprise Microsoft ne réglera pas la question toute seule.
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