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C'est dans ma tête. Enfants et pauvreté : "Une influence déterminante sur leur construction"

Mardi 17 octobre, le président Macron doit lancer une grande concertation sur la pauvreté des enfants et des jeunes. La psychanalyste Claude Halmos évoque aujourd'hui les conséquences psychologiques liées à la pauvreté, sur les enfants. 

Article rédigé par franceinfo, Claude Halmos
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Photo d'illustration.  (PRIMESHOOTER / MOMENT RF/ GETTY IMAGES)

C’est aujourd’hui la Journée Mondiale du Refus de la Misère. Mardi 17 octobre, le président Macron doit par ailleurs lancer une grande concertation sur la pauvreté des enfants et des jeunes. Alors nous revenons aujourd'hui avec la psychanalyste Claude Halmos sur un problème important : celui des enfants qui vivent dans la grande pauvreté.

Cette vie dans la pauvreté a-t-elle pour eux des conséquences psychologiques ?

Elle a des conséquences très importantes. Parce que la misère ne rend pas seulement la vie des enfants plus difficile. Elle a une influence déterminante sur leur construction.  

De quelle façon ?  

La pauvreté fait vivre tous ceux qui la subissent dans un monde d’angoisse, d’angoisse permanente du lendemain. Et dans la honte. Parce que, dans notre société, les personnes pauvres ont toujours honte de l’être. Les enfants sentent ces angoisses et ces hontes de leurs parents, et ils les font leurs. Et ils font leurs aussi leurs culpabilités : les parents se sentent coupables de ne pas pouvoir offrir une meilleure vie à leurs enfants et les enfants se culpabilisent d’être une source d’angoisse pour leurs parents.    

La pauvreté agit aussi sur leur construction ?

Oui. La pauvreté fausse d’abord le rapport des enfants au désir, au plaisir et à la frustration. Tous les enfants en effet ont besoin d’apprendre qu’ils ont le droit d’avoir envie de tout mais qu’ils ne pourront jamais tout avoir. C’est toujours difficile pour eux à accepter, mais c’est supportable quand ils peuvent quand même avoir un peu. Mais, s’ils ne peuvent rien avoir, c’est insupportable et destructeur. D’abord parce qu’aucun être humain ne peut vivre sans désirs et sans plaisir. Et surtout parce que, dans ce cas, au lieu de faire l’apprentissage - structurant - de la frustration, les enfants sont contraints d’apprendre à se soumettre à la privation. Et à une privation qu’ils savent injuste, puisque d’autres enfants - ils le voient bien - peuvent avoir ce qu’ils n’ont pas.    

La pauvreté a encore d’autres conséquences ?  

Oui. Elle a des conséquences sur l’image que l’enfant a de lui-même. Parce qu’un enfant construit toujours son image en s’appuyant sur celle de ses parents. Or, les parents qui vivent dans la pauvreté se sentent le plus souvent dévalorisés, exclus, rejetés et humiliés. Et leurs enfants s’identifient à cette image.
Et puis la pauvreté a aussi des conséquences sur la vision que l’enfant a du monde. Parce que les souffrances qu’il endure avec ses parents lui donnent souvent l’impression que la société, l’état, sont des instances toutes puissantes et injustes qui donnent aux uns et privent arbitrairement les autres. Cela provoque chez lui une révolte et une colère, qui peuvent le mener à la violence.  

Que pourrait-on faire pour aider ces enfants ?  

En premier lieu, entendre leur souffrance psychologique et sa gravité. Cela permettrait peut-être de comprendre, par exemple, que quand on prive un adulte de son travail et de ses revenus, on ne porte pas seulement atteinte à sa vie réelle. On porte atteinte aussi, et de façon très grave, non seulement à son psychisme mais aussi, à celui de ses enfants et à leur avenir.        

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