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Ehpad : la souffrance des familles

La publication du livre de Victor Castanet, "Les fossoyeurs" a mis en lumière les maltraitances qu'endurent certaines personnes âgées dans certains Ehpad. Claude Halmos évoque aujourd'hui les souffrances des familles dont l'un des membres doit entrer ou se trouve déjà dans ce type d'établissement. 

Article rédigé par franceinfo, Claude Halmos
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
7 janvier 2021. Un Ehpad à Paris. (Illustration) (LUC NOBOUT / MAXPPP)

Le livre de Victor Castanet, Les fossoyeurs a révélé ce que vivent les résidents de certains Ehpad, et des enquêtes vont avoir lieu.

franceinfo : Nous aimerions revenir avec vous, Claude Halmos, sur les souffrances face à ces situations, des familles dont l’un des membres doit entrer dans un établissement de ce type, ou s’y trouve déjà...   

Claude Halmos : L’entrée d’une personne en Ehpad est pour elle un moment de fragilité psychologique, difficile, et douloureux parce qu’il marque l’entrée dans une étape qui sera la dernière de sa vie, et le renoncement à des éléments essentiels de cette vie : sa maison, son indépendance, sa liberté.  

Mais elle fragilise aussi ses proches qui doivent supporter de la voir souffrir, faire eux-mêmes le deuil de ce qu’elle était auparavant et voir, surtout, l’idée de sa mort se rapprocher. Et tout cela est souvent, de plus, aggravé par une culpabilité.  

Pour quelles raisons ?  

Les enfants se sentent souvent – au moins inconsciemment coupables de ne pas pouvoir s‘occuper eux-mêmes de leurs parents âgés, d’autant que le coût des établissements leur fait craindre de ne pas pouvoir leur offrir ce qu’ils souhaiteraient. 

Ils ont parfois le sentiment de les abandonner, et cela peut raviver des culpabilités de l’enfance, dues par exemple à des parents qui ne supportaient pas que leurs enfants aient une vie en dehors d’eux. Mais, quoiqu’il en soit, une personne âgée étant aussi fragile et dépendante qu’un enfant, ils peuvent craindre de la confier à d’autres et même, comme à propos de la garde d’un enfant, imaginer le pire.  

Si la réalité de l’Ehpad les rassure, leurs fantasmes s’apaisent, mais si elle les valide, leur situation vire au cauchemar.  

En quoi consiste ce cauchemar ?  

Beaucoup de familles disent avoir vu leur parent maltraité, quotidiennement, dans son corps, par l’absence de soins. Et, de ce fait, maltraité psychologiquement : être laissé dans ses excréments, c’est une souffrance physique, mais aussi une atteinte majeure à l’image de soi. Être laissé par terre après une chute, c’est être en danger, mais aussi dans une solitude et un abandon psychologiquement destructeurs.  

Si l’on n’a plus, au quotidien, aucun plaisir, même pas celui d’un repas convenable. Si la rudesse des gestes des soignants et la violence de leur absence de paroles s’ajoutent aux douleurs dues à l’âge et aux maladies. Si l’on a le sentiment de ne plus être pour les autres qu’une chose sans intérêt, sans valeur, qui les dérange et même, éventuellement, les dégoûte, on ne peut plus avoir envie de vivre.  

Certaines personnes ont vu – et en se sentant totalement impuissantes – un établissement tuer de cette façon le désir de vivre de leur parent. C’est pour elles une expérience traumatique, profondément destructrice, qui a des effets à très long terme, et qui ne peut qu’accroître la peur de leur propre vieillissement. Mais aussi – et on ne le dit pas assez – installer, dans toute la société, une vision terrifiante du grand âge, qui est un facteur majeur de rejet.                     .

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