Un salarié qui ne répond pas à son employeur en dehors de ses heures de travail est-il fautif ?
Contester une sanction disciplinaire devant les prud’hommes fait partie des litiges fréquents en droit du travail. Voici un exemple qui est remonté au plus haut des juridictions, la Cour de cassation. Sarah Lemoine nous raconte cette histoire.
franceinfo : Qu'était-il reproché au salarié par son employeur ?
Sarah Lemoine : Dans cette affaire, il y avait plusieurs griefs. Le salarié, un chauffeur poids lourds, contestait son licenciement pour faute grave. Il avait insulté son supérieur hiérarchique sur son profil public Facebook. Il avait pris des photos et les avait postées alors qu’il conduisait sur une route enneigée. Sur ces deux points, il n’a pas obtenu gain de cause, son licenciement a été validé. En revanche, il a obtenu satisfaction sur des sanctions disciplinaires.
Quelles étaient ces sanctions ?
Son employeur l’avait sanctionné à 3 reprises pour ne pas avoir répondu, au téléphone, à ses supérieurs qui tentaient de lui transmettre son planning de travail du lendemain. Le chauffeur contestait ces sanctions au motif que les appels avaient été passés pendant son congé hebdomadaire, alors qu’il était en repos. La cour d’appel de Nîmes avait donné raison à l’entreprise, arguant que le salarié s’était toujours conformé à cette pratique avant que les relations ne se détériorent. Que le fait de joindre un chauffeur, pendant son congé hebdomadaire, la veille de sa reprise de poste, était une pratique spécifique du secteur des transports. Et, dernier argument, que cela n’était pas interdit par la convention collective.
Et la Cour de cassation, qu’a-t-elle dit ?
Tout l’inverse ! La Cour de cassation a clairement réaffirmé qu’un salarié qui n’a pu être joint en dehors de ses horaires de travail sur son téléphone personnel ne commet aucune faute et ne peut être sanctionné. Sans faire de distinction, d’ailleurs, entre un repos hebdomadaire et un repos quotidien. Pour Audrey Tomaszewski, avocate au cabinet Eversheds-Sutherland, cette décision a le mérite de clarifier les choses : "Transmettre un planning en dehors des heures de travail, la veille pour le lendemain, est une pratique courante dans certains secteurs. Avec cet arrêt, les entreprises concernées vont être incitées à mieux anticiper et à mieux s’organiser". Pour sa collègue Déborah Fallik, de Redlink Avocats, l’employeur pourrait intégrer cette pratique, si elle est courante et régulière, dans un accord interne, mais en échange d’une contrepartie. Elle rappelle qu’en droit du travail, seul le régime de l’astreinte oblige le salarié à contacter son employeur. Avec en échange une indemnisation et/ou un repos compensateur.
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