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Vidéo de blackface : un employeur peut-il sanctionner un salarié pour ce qu'il fait dans la vie privée ?

C'est la polémique de ce début d'année en matière de droit du travail : peut-on licencier un salarié pour ce qu'il fait dans sa vie privée, sans jamais faire référence à l'entreprise qui l'emploie ? C'est l'affaire du Slip français.

Article rédigé par Philippe Duport
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
Extrait d'une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux de salariés du Slip français déguisés en Noirs ("blackface"). (CAPTURE D'ECRAN)

L'affaire du Slip français, ce sont trois personnes de cette entreprise de textile qui font une petite fête privée, dans un appartement. Deux sont employées par la société. Le thème de la soirée : "Viva Africa". Sur la musique de Yannick Noah, une femme montre son visage peint en noir – un "blackface" – et une autre, que l'on voit marcher à quatre pattes, porte un masque de gorille et pousse des cris de singe. Problème, la vidéo est postée sur les réseaux sociaux. Plus de deux millions de vues sur Twitter. Tollé, accusations de racisme, Le Slip français réagit aussitôt et publie un communiqué. La société annonce que les deux employés ont été convoqués, sanctionnés, et mis à pied à titre conservatoire.

Affaire privée ou pas ?

Cela veut-il dire qu'on peut être sanctionné par son employeur pour des choses que l'on fait dans la sphère privée ? La réponse n'est pas simple. Le principe, c'est non. Il y a un article du code du travail qui est très clair sur ce point. Il protège les libertés individuelles des salariés qui peuvent faire ce qu'ils veulent dans leur vie privée. Un exemple, tiré de la vraie vie : un employé de chez Renault, même un cadre, ne peut pas être licencié parce qu'il achète une Peugeot. Un employé de banque ne peut pas être viré parce qu'il est constamment endetté.

Dans l'affaire de la vidéo, à aucun moment les salariés du Slip français ne parlent de leur employeur dans la vidéo, ils n'agissent pas comme représentants de la firme, ils ne parlent pas en son nom. Donc il ne peut pas y avoir de sanction.

Un trouble au fonctionnement de l'entreprise

Sauf qu'en réalité, c'est moins simple, parce que l'entreprise peut faire valoir qu'un tel comportement crée un trouble au fonctionnement de l'entreprise. Et une atteinte à son image. C'est surtout retenu quand il s'agit d'une personne importante dans l'entreprise. Vous vous souvenez peut-être que le couturier John Galliano avait été licencié par Dior, en 2011, pour avoir lancé des insultes antisémites à la terrasse d'un café parisien. C'était privé, mais ça portait atteinte à l'image de l'entreprise.

Dans certains cas, on peut donc licencier un salarié pour son comportement privé. Ça ne sera pas un licenciement pour faute car il n'y a pas de faute professionnelle, mais un licenciement individuel, avec indemnités de licenciement, préavis et indemnité compensatrice de congés payés. Et très certainement, si tel devait être le cas, contestation devant les prud'hommes. Ce que l'on ne manquerait pas de suivre.

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