Grève contre la réforme du collège : "Hollande, c’est terminé !"
C’était le grand divorce. Un divorce, dans les larmes. J’ai vu des profs à la limite de s’effondrer.
"On est déçus en fait… ". Cet homme est prof de lettres, il enseigne le latin. "On nous fait passer pour des petits nantis, comme si on ne voulait rien changer, comme si on voulait privilégier l’élite ". Il y a de la tristesse dans sa voix
À côté de lui, sa copine. Elle, elle est plutôt en colère. "Je ne vois pas en quoi le fait qu’un élève choisisse le latin dérange les autres et créerait de l’inégalité. C’est un mauvais procès, plein de mauvaise foi ".
Moi : "Oui, enfin, vous dîtes ça parce que votre établissement est plutôt… aisé "
Ils me regardent de travers. Serait-on, nous aussi, sur le point de divorcer ?
"On est dans un collège à Villejuif, nos élèves viennent de la banlieue et le latin, ils en font. Seulement, on s’adapte, on le pratique différemment. On le remplace plus ou moins, par de la culture générale. On n’est pas bêtes ! "
Je me déplace. Il y a quelques banderoles. Le cortège est éparse. Il se met à pleuvoir, l’automne est là. Déjà, les feuilles jaunies. Le jardin du Luxembourg n’a jamais paru aussi triste.
Je tends l’oreille et j’entends le mot autonomie. Un mot-clé, dans cette réforme, c’est même l’idée centrale. Je m’approche. Ils sont trois profs, et enseignent, eux aussi, en dehors de Paris.
"Pardon, vous parlez de l’autonomie des établissements, c’est bien ça ? "
"Oui, mais nous, c’est pas ce qui nous dérange le plus. Le pire, c’est l’idéologie, qui se cache derrière cette réforme, ça c’est dévastateur "
Moi : "Carrément, idéologie ? Ce n’est pas un peu fort ? "
Lui : "Non. L’idéologie de l’égalitarisme. À travers cette réforme, on nous demande de niveler. On nous dit que c’est ça, la véritable égalité entre les élèves, c’est très injuste ".
Sa voisine : "Chaque élève a son parcours. Ils ne sont pas tous les mêmes. On veut nous faire croire, que si, qu’ils doivent faire TOUS la même chose, en gros. Ce n’est pas réaliste de penser ainsi ".
Moi : "Concrètement, c’est quoi le problème majeur dans cette réforme ? "
Elle : "C’est cette idéologie en effet et de graves erreurs commises ".
Moi : "Ah oui, l’interdisciplinarité ". Ouf… J’ai réussi à le dire !
Elle poursuit : "Prenons le français. On nous rabâche que c’est un problème majeur, que les éleves ne parlent pas assez bien leur langue. C’est vrai, et c’est grave. Et on nous dit, dans le même temps, en fait, du français, vous en faîtes partout, dans tous les cours, même en histoire, ça va très bien ainsi. Donc, on va vous sucrer des heures de français. Mais les mauvais en français, et il y en a beaucoup, ils ont besoin de cours de français, de vrais cours !"
J’avoue que la démonstration est convaincante.
Je poursuis mes résolutions de problèmes. "Et c’est quoi cette histoire de cycles ? Ce n’est pas très clair dans ma tête ".
Elle : "Je vous explique. Entre la 5ème et la 4ème, il y aura un programme commun, comme un suivi, un tout. Mais ce que l’on aura appris en 5ème, on ne le réapprendra pas en 4ème. Sauf que : quand un élève arrivera de l’extérieur, avec l’autonomie des établissements, il n’aura pas eu le même suivi. Donc, ça marchera pas ".
C’est limpide. Eurêka ! J’ai tout bien compris. J’espère que vous aussi.
"On est pas des élitistes. Au contraire, c’est eux qui le sont là ! "
Le vent se lève. L’automne arrive. Plus le cortège avance, plus les gorges se serrent.
Et plus l’heure du divorce entre François Hollande et son électorat de profs se rapproche.
Et je me dis, qu’ils continueront à se battre, pour la garde des enfants.
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