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Les "citoyens souverains", de la contestation au complotisme

La vidéo d'un couple qui refuse de se soumettre à un test d'alcoolémie de la gendarmerie est devenue virale sur les réseaux sociaux la semaine dernière. Ils se présentent comme étant des "citoyens souverains", du nom de la mouvance complotiste issue des Etats-Unis. Du refus de l'autorité jusqu’au complotisme, quelles sont leurs croyances ?
Article rédigé par franceinfo - Chloé Lavoisard
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Un contrôle routier, en septembre 2020. Photo d'illustration. (LOIC VENANCE / AFP)

"On ne contracte pas", la phrase issue d'une vidéo a cumulé des millions de vues sur les réseaux sociaux la semaine dernière. Sur cette vidéo, un couple d'automobilistes est arrêté par la gendarmerie des Hauts-de-France pour un contrôle routier. Le couple refuse de se soumettre à un test d'alcoolémie et explique, "Je ne contracte pas avec une société privée. Je n'appartiens plus à l'entreprise française présidence", explique l'homme. Pour justifier leur refus, ils affirment être "citoyens souverains", une mouvance complotiste qui refuse l'autorité de l'État. 

Issus à la base d'une mouvance contestataire, les "citoyens souverains" refusent toute autorité établie. Il ne respectent pas les lois, ne paient pas leurs impôts et vont jusqu'à refuser l'utilisation de leur nom de famille… Pour se justifier, l'argument des citoyens souverains est qu'un secret serait gardé dans les hautes sphères du pouvoir :  l'État serait en réalité une société privée, à laquelle ils ne veulent pas contribuer.

"L'argument généralement utilisé par les citoyens souverains, c'est que la République française a un numéro de SIRET, explique Rudy Reichstadt. Effectivement la France est enregistrée à l'INSEE car comme il l'explique, "cela permet de faciliter les interactions juridico-administratives." En résumé, "aucun complot à l'horizon".

En France, un projet de communauté dans le Lot

Une des figures les plus populaires du mouvement, c'est Alice Pazalmar. En 2019, elle crée One Nation, une mouvance basée sur les "citoyens souverains" avec une influence plus ésotérique. En 2020, sa popularité explose sur YouTube. Elle se filme notamment en train de brûler son passeport en guise de refus de l'autorité de l'État. "On est vraiment dans le cœur nucléaire de cette pensée de citoyens souverains, appuie Tristan Mendès France, elle va elle-même se qualifier d'être souverain."

Et la formule fonctionne. Alice Pazalmar va même "devenir une figure assez populaire dans la complosphère", raconte Tristan Mendès France. La créatrice de One Nation réussit même à lever 265.000 € pour acquérir 200 hectares dans le Lot. Le but, c'est d'y installer une véritable communauté de plusieurs centaines de personnes. Un projet qui n'aura finalement jamais vu le jour face à l'inquiétude des locaux. 

Théorie de l'élite pédophile, rejet des institutions… One Nation, la mouvance complotiste qui veut étendre son influence en France (francetvinfo.fr)

Des violences à échelle mondiale

Du Canada à l'Allemagne, le mouvement des "citoyens souverains" est présent à travers de nombreux pays. A l'origine, ce mouvement complotiste est issu des Etats-Unis. Aujourd'hui, les estimations portent à 350 000 le nombre d'adeptes dans le pays. Des "sovereign citizens", notamment liés aux émeutes du 6 janvier 2021 au Capitole et à de nombreuses violences - parfois mortelles. De 1983 à 2020, vingt-sept policiers américains sont morts dans des affrontements armés avec des membres de la mouvance.

Rudy Reichstadt explique : "On voit que c'est une vision du monde qui conduit ceux qui l'adoptent à la désocialisation". "Il y a véritablement des vies brisées", affirme Tristan Mendès France. "Certains vont perdre leur permis de conduire, leur emploi, d'autres vont perdre leurs aides sociales. Bref, ils vont se faire broyer par leur propre croyance."

"Les citoyens souverains, de la contestation au complotisme", c'est le 66e épisode de Complorama avec Rudy Reichstadt, directeur de Conspiracy Watch, et Tristan Mendès France, maître de conférences et membre de l'observatoire du conspirationnisme, spécialiste des cultures numériques. Un podcast à retrouver sur le site de franceinfo, l'application Radio France et plusieurs autres plateformes comme Apple podcasts, Podcast Addict, Spotify, ou Deezer.

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