L’Irlande est-elle devenue la nouvelle porte d’entrée de la cocaïne sur le continent européen ?
Dans les années 80, Dublin, la capitale, était confrontée à une épidémie d’héroïne, qui ravageait les communautés du centre-ville. Aujourd’hui, c’est la cocaïne qui fait des ravages. La situation est exacerbée dans le pays, et cela s’explique par sa géographie. L’Irlande est une île. Elle offre donc pour les trafiquants, une multitude de points d'entrée stratégiques, sur les côtes.
Le pays est d’autant plus vulnérable qu’il ne dispose que de deux navires opérationnels pour surveiller ses vastes eaux territoriales. Les cargaisons de drogue sont donc difficiles à intercepter. Et ça, les trafiquants l’ont parfaitement compris. Les cartels sud-américains voient de plus en plus l’Irlande comme une porte d’entrée pour approvisionner le reste de l’Europe.
Un marché inondé qui s'attaque à tous les âges
Désormais, le marché irlandais est littéralement inondé de cocaïne, avec des conséquences évidemment dévastatrices sur la population. Le nombre de personnes cherchant un traitement pour leur consommation de cocaïne s’est envolé. On parle d’une hausse de près de 600% depuis 2017, en République d’Irlande.
La cocaïne est devenue un véritable problème de santé publique. "La cocaïne permet aux gens de boire davantage, explique Colin O’Gara, chef du service d’addictologie, à l’hôpital St John of God. Elle peut leur donner l’impression d’être sobres, après avoir bu, disons, huit pintes de bière. Et c'est très important dans le contexte irlandais, car nous avons déjà un problème d’addiction à l'alcool en Irlande."
"Je vois beaucoup de patients qui ont commencé à consommer de la cocaïne alors qu’ils avaient 50-60 ans, et qu'ils n'ont jamais consommé de drogues auparavant."
Colin O’Gara, chef d'un service d’addictologieà franceinfo
La situation est telle que la cocaïne est devenue banale en Irlande. Dans les pubs, on croise des consommateurs de tous âges, de 18 à 70 ans, et de toute strate sociale.
Consommer en buvant, une nouvelle norme
Noeleen Kavanagh travaille comme conseillère en addiction au centre Casadh, une structure dédiée à la réhabilitation des personnes confrontées à une dépendance. En irlandais, "casadh" signifie "tournant" ou "virage," une allusion à l’idée d’un nouveau départ. Mais pour Noeleen, c’est presque impossible, quand la drogue est partout : "Socialement, c’est devenu plus acceptable aujourd’hui, déplore-t-elle. Quand quelqu’un sort, on s’attend presque à ce qu’il boive quelques verres et prenne quelques lignes de cocaïne. C’est la norme."
L'effort à fournir pour s'en détacher est donc d'autant plus insurmontable. "Quand tu travailles avec des gens qui deviennent abstinents, ils sont exposés à ce trafic de drogue, sous leurs yeux, H24", raconte-t-elle.
"Pour beaucoup, la question, c’est : où est-ce que je peux aller ? Parce qu’ici, tout le monde, absolument tout le monde consomme de la cocaïne."
Noeleen Kavanagh, conseillère en addictionà franceinfo
Les gangs de l’ouest de Dublin profitent également du vide laissé par les désormais célèbres Kinahan, aujourd’hui en fuite aux Émirats arabes unis. Ils se partagent les parts de ce marché lucratif et prospèrent, alors que des communautés et des familles entières se retrouvent, elles, à genoux, prises au piège.
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