Afrique de l'Ouest : censure, violence, menaces... comment l'information se retrouve bâillonnée au Sahel

La liberté d'expression se réduit drastiquement au Sahel, alors que cette vaste région a basculé, entre poussée jihadiste et coups d'État militaires.
Article rédigé par Nicolas Teillard
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
La une d'un journal à N'Djamena au Tchad, le 23 avril 2021. (CHRISTOPHE PETIT TESSON / POOL)

Le Sahel, vaste région de l'Afrique de l'Ouest, est en passe de devenir "la plus grande zone de non-information de l'Afrique". C'est Reporters sans frontières qui dressait ce constat amer, en 2023, et la situation est loin de s'arranger depuis. Elle a même tendance à s'aggraver, au point de pousser l'ONG a publié, mardi 24 septembre, l'appel de 547 radios communautaires de la région. Un cri d'alerte, et une exhortation à protéger les journalistes et collaborateurs de médias, dans une zone où la propagation des combattants jihadistes et des groupes armés rend la moindre prise de parole périlleuse.

Au Niger, au Tchad, au Mali ou au Burkina Faso, essayer d'informer signifie trop souvent désormais se mettre en danger, face à la multiplication des pressions, des intimidations, et dans les pires des cas, des enlèvements ou des assassinats. C'est ce qui est arrivé il y a quelques mois dans le centre du Tchad. Idriss Yaya travaillait pour la Radio Communautaire de Mongo, et couvrait notamment les conflits entre communautés dans la région. D'abord menacé puis agressé, il a fini par être assassiné, abattu froidement avec sa femme et leur fils par un commando armé qui a fait irruption dans son village. Quelques jours plus tôt, son nom avait été jeté en pâture sur les réseaux sociaux.

Une menace de plus en plus pesante

Le drame n'est malheureusement pas un cas isolé. En 10 ans, au moins sept journalistes ont été tués au Sahel. Les enlèvements se multiplient, parce qu'un article déplaît ou parce que les journalistes servent de monnaie d'échange, et ces menaces ne sont pas le seul fait des groupes armés.

Les autorités locales participent de ces intimidations. Au Burkina Faso ou au Mali, les juntes au pouvoir aujourd'hui désignent rapidement ceux qui osent enquêter ou témoigner comme "ennemis du pays", "traîtres" ou "espions". La présence de plus en plus importante de miliciens russes du groupe Wagner n'y est pas étrangère.

Les médias francophones dans le collimateur

Si les médias locaux sont en première ligne, les médias francophones dans le viseur de ces juntes militaires et d'une partie de la population, dans la lignée d'une rupture politique et diplomatique consommée avec la France. Dernier exemple, jeudi 26 septembre, avec cette plainte pour "apologie du terrorisme" visant notre confrère de France 24, Wassim Nasr, spécialiste des mouvances jihadistes, ciblé simultanément par les autorités judiciaires du Burkina Faso, du Mali et du Niger.

France 24, comme RFI, doit composer désormais avec les suspensions d'antenne ou les interdictions d'émettre, comme au Mali. En 2023, ce sont les correspondantes du journal Le Monde et de Libération qui ont été expulsées du Burkina Faso. Voilà comment peu à peu, la parole se tarit, l'accès à l'information recule, et la vie de ces populations et de cette partie du monde échappe à notre regard.

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