"Ce n'est pas un héros !" : la vague de soutien à Luigi Mangione, suspecté de meurtre du patron d'UnitedHealthCare, enflamme les États-Unis
"La violence pour combattre la cupidité des entreprises est inacceptable", la mise au point est signée de la porte-parole de la Maison-Blanche, Karine Jean-Pierre, et la réaction du sommet de l'État dit l'ampleur prise par l'affaire aux États-Unis. Une semaine après la mort de Brian Thompson, puissant PDG du groupe UnitedHealthCare, abattu en pleine rue, l'arrestation du principal suspect, Luigi Magione, ne calme pas la vague de soutien dont il bénéficie.
Tout commence mercredi 4 décembre au pied d'un hôtel de Manhattan. Caché derrière la capuche de son manteau et portant un sac à dos, un homme surgit derrière Brian Thomson, et l'abat de sang-froid en lui tirant deux balles dans le dos, comme le montrent les images de vidéosurveillance. Alors que son arme s'enraye, le tireur ne montre aucun signe de panique, débloque le pistolet, et tire une dernière fois, avant de s'éloigner à vélo électrique puis de disparaître dans Central Park.
"Refuser, défendre, déposer"
Au sol, Brian Thomson agonise, et le PDG du premier assureur santé privé des États-Unis succombera peu après. Mais dès les premières heures de cavale du suspect, l'affaire prend une tournure politique, et le tireur jouit d'une étonnante solidarité sur les réseaux sociaux. La rumeur enfle sur trois mots qu'on aurait retrouvés gravés sur les balles du tireur : "deny, defend, depose". C’est-à-dire "refuser, défendre, déposer". Des mots qui parlent à des millions d'Américains, ceux que les compagnies d'assurances accolent aux dossiers des patients pour éviter de leur rembourser des soins...
En la matière, UnitedHealthCare a mauvaise réputation. L'entreprise est décriée pour ses refus de prise en charge, dans un pays où l'assurance doit donner son accord avant toute intervention médicale non urgente. Mastodonte du secteur, le groupe assure plus de 50 millions d'Américains, son chiffre d'affaires, astronomique, dépasse 370 milliards de dollars, et ses bénéfices, 16 milliards de dollars en 2023, sont comparables à ceux d'un groupe comme le pétrolier Total en France.
Une avalanche de soutien
Le plus marquant dans cette affaire réside dans l'afflux de soutien au criminel. Rapidement après la médiatisation de l'histoire, les réseaux sociaux ont pullulé de témoignages dénonçant la chasse aux profits d'une entreprise carnassière, et saluant parfois le criminel comme une sorte de justicier des temps modernes. Alors que la cavale du suspect a pris fin, lundi 9 décembre au soir, dans un Mc Donalds de Pennsylvanie, où un employé l'a reconnu, cet élan de solidarité ne s'est pas estompé. Les Américains ont découvert Luigi Magione. Un jeune homme de 26 ans, issu d'un milieu très favorisé, au parcours scolaire brillant et au goût prononcé pour la technologie. Un mal de dos récurrent a mis les enquêteurs sur une première piste. Depuis, les images de son arrestation inondent les écrans, et le cliché en détention, où ses bouclettes brunes tranchent avec son uniforme orange de détenu, l'ont érigé en sex-symbol. Une popularité qui inquiète les autorités.
"Ce n'est pas un héros !" a clamé solennellement le gouverneur de Pennsylvanie, Josh Shapiro, avant que la Maison-Blanche ne communique sur l'affaire dans la crainte de voir son geste en inspirer d'autres. Dans un manifeste retrouvé sur lui, Luigi Magione critique le système de santé "le plus coûteux au monde", mais n'exprime pas le moindre regret : "ses parasites l'ont bien cherché", dit-il, formule déjà adoptée par ceux qui voient en lui un martyr.
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