En Corée du Sud, l'opposition engage une motion en destitution du président de la République
Le réveil est brutal, et les citoyens sud-coréens sont sans doute nombreux mercredi 3 décembre au matin à se frotter les yeux pour croire à ce qu'ils ont vécu mardi soir. Lors d'une soirée au scenario surréaliste, la Corée du Sud est passée par tous les états, et les quelque 50 millions d'habitants du pays ont assisté, entre sidération et incompréhension, au coup de force de leur président.
"Pour protéger la Corée du Sud libérale des menaces posées par les forces communistes nord-coréennes et éliminer les éléments hostiles à l'État (...), je déclare la loi martiale". Le chef de l'État, Yoon Suk Yeol, est apparu à la télévision en fin de soirée, pour annoncer l'instauration de la loi d'exception, en plein examen du budget à l'Assemblée, où l'opposition est majoritaire. Face caméra, le dirigeant accuse l'opposition de collusion avec la Corée du Nord, et appelle à défendre le pays. "Pour protéger la Corée du Sud libérale des menaces posées par les forces communistes nord-coréennes et éliminer les éléments hostiles à l'État (...), je déclare la loi martiale".
En quelques minutes, l'armée se déploie dans les rues de Séoul et le Parlement est cerné par des militaires, au son du ballet des hélicoptères. Dans une capitale bouclée, les activités politiques sont aussitôt interdites, et les médias placés sous surveillance. C'est de sa voiture, en se filmant avec son téléphone, que le chef de l'opposition appelle à la résistance du peuple. Des milliers de personnes convergent vers l'Assemblée, où des députés parviennent à entrer, certains escaladant la clôture dans une scène surréaliste. Les 190 parlementaires présents ont alors voté à l'unanimité la levée de la loi martiale, et c'est finalement à 4h40 du matin (20h40 à Paris) que le président de la République renonce et décide du retrait de l'armée.
Au lendemain du coup de force
Après cette nuit agitée, au pays du Matin calme, la classe politique reste stupéfaite. Son propre camp exige du chef de l'État qu'il rende des comptes, et le Parti démocrate, principal parti d'opposition, annonce avoir déposé une motion en destitution, dont le vote aura lieu dans la semaine. Si le départ du président paraît inéluctable, le choc est important en Corée du Sud, où, sans imaginer une telle décision, Yoon Suk Yeol manifestait depuis deux ans de sérieuses dérives, entre discours populistes, menaces sur la presse, et pression sur la justice menant à des enquêtes récurrentes visant l'opposition.
Le dernier souvenir de loi martiale remonte à 1980 en Corée du Sud, lors d'un coup d'État militaire, et il faut rappeler que la démocratie reste récente dans le pays, qui jusqu'à la fin des années 80, vivait sous un régime autoritaire, aux forts accents nationalistes.
L'épisode intervient par ailleurs dans un moment d'extrême tension, et sur une carte du monde ou les éruptions se multiplient, la Corée du Sud est un pion essentiel pour les États-Unis, qui comptent près de 30 000 soldats basés dans le pays. Séoul, qui a vue sur les côtes chinoises, dispose de moyens militaires conséquents, et doit faire face à la menace de plus en plus pesante du voisin nord-coréen, désormais allié militaire de la Russie. La situation politique y est donc surveillée de près, notamment par Washington, manifestement pas averti du coup de sang du président, et qui a fait part mercredi matin de son "soulagement".
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