La Roumanie en pleine confusion politique à la veille du 35e anniversaire de la chute de Ceausescu
La période des fêtes s'annonce agitée en Roumanie, à l'image des dernières semaines de cette année 2024, où la vie politique a été marquée par des soubresauts d'une ampleur inédite depuis la fin de la dictature. Rembobinons.
Fin novembre, le premier tour de la présidentielle est marqué par une énorme surprise : un candidat prorusse, presque inconnu au bataillon deux mois plus tôt, arrive en tête du scrutin, et devance une ancienne journaliste, qui a fait campagne sur la lutte contre la corruption. Le vainqueur, Calin Georgescu, a la soixantaine, et la particularité d'avoir mené sans campagne sans faire aucun meeting, ni participer au moindre débat entre candidats... Il a tout misé sur TikTok, où ses courtes vidéos ont connu un succès fulgurant (surtout lors des derniers jours avant le vote). Un peu trop fulgurant. Rapidement, des soupçons de manipulation apparaissent, et les services de renseignements roumains finissent par dévoiler publiquement des documents qui détaillent une opération d'envergure mise en place pour favoriser ses contenus, avec des influenceurs rémunérés pour diriger les utilisateurs de l'application (presque la moitié de la population en Roumanie) vers ses vidéos. Une ingérence étrangère est suspectée, et la Russie est dans le viseur.
À deux jours seulement du second tour, la Cour constitutionnelle finit par annuler la présidentielle ! Une décision contestée par les deux finalistes, ce qui renforce la confusion. Car entre les deux tours, les Roumains ont aussi voté pour élire leurs députés, et le scrutin est marqué par une percée de l'extrême droite. Des parlementaires qui doivent prêter serment vendredi 20 décembre à Bucarest, dans une atmosphère très particulière car la polémique ne retombe pas. Si des signes manifestes d'une intervention organisée autour de la campagne présidentielle existent, il est très difficile de prouver dans un délai aussi court la manipulation du réseau social TikTok, et de remonter aux commanditaires. Depuis, la Commission européenne a ouvert une enquête, mais les oppositions crient à la manipulation et au manque de transparence des autorités, qui avaient visiblement des alertes avant le 1er tour, qui lui n'a pas été reporté...
Un pays sans gouvernement et sans président élu
C'est dans ce contexte pour le moins troublé que le mandat de l'actuel président, Klaus Iohannis, doit se terminer samedi 21 décembre. Une majeure partie de la presse et de l'opinion réclame son départ, en lui attribuant la responsabilité de l'impasse, et des manifestations sont prévues tout au long du week-end, devant les sièges des partis, et devant le palais présidentiel, pour exiger la vérité sur ce qu'il s'est passé.
Une situation préoccupante pour la Roumanie, et pour l'Europe, confrontée pour la première fois à une telle ingérence électorale, et dont l'un des pays membres se retrouve sans gouvernement et sans président élu, en pleine poussée d'un mouvement hostile à l'UE et à l'OTAN.
Une période de trouble juste avant Noël, qui rappellera sans doute de douloureux souvenirs en Roumanie, où la journée de lundi 23 décembre marquera le 35e anniversaire de la chute du régime dictatorial de Nicolae Ceausecu, qui avait conduit le 25 décembre 1989 au jugement expéditif et à l'exécution du dirigeant et de son épouse.
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