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Chapatte demande une Maison du dessin de presse pour "rappeler que l'humour est inséparable de la démocratie"

La Maison du dessin de presse voulue par Maryse Wolinski et six dessinateurs de presse sera un lieu "d'expositions, de débats sur l'opinion, sur la satire".

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Une personne regarde des caricatures représentant Donald Trump lors de la dernière préparation avant la nouvelle exposition "Ça se dessine pour la Maison Blanche" à la Maison du dessin de presse, à Morges, en Suisse, le 24 octobre 2020. (LAURENT GILLIERON / EPA/ NEWSCOM / MAXPPP)

Il faut créer une Maison du dessin de presse pour "rappeler que l'humour est inséparable de la démocratie", a déclaré sur franceinfo Chappatte, dessinateur de presse et président de la fondation Freedom Cartoonists. Il est l'un des signataires de la tribune publiée dans le Journal du dimanche, demandant à Emmanuel Macron de s'engager pour la création d'une Maison du dessin de presse et du dessin satirique. Il doit s'agir d'un "lieu de conservation, d'expositions, de débats sur l'opinion, sur la satire", selon Chappatte.

franceinfo : Pourquoi est-ce qu'une Maison du dessin de presse serait-elle si importante, comme le dit cette tribune que vous co-signez ?

C'est Maryse Wolinski qui est à l'origine de ce texte qui rappelle tout simplement au président Macron sa promesse, les souhaits qu'il a exprimés lui-même. Il lui rappelle les valeurs qu'il dit défendre. Cette initiative est née de Georges Wolinski, en 2007 il avait rendu un rapport sur la promotion et la conservation du dessin de presse. Elle est évidemment extrêmement d'actualité aujourd'hui, alors que le dessin de presse se trouve au cœur de la cible. Il est ciblé par les pouvoirs de toutes sortes, par les extrémismes religieux et par les foules moralisatrices sur Internet. Le dessin de presse a été souvent dans l'actualité, une actualité parfois tragique. Là, on rappelle simplement la nécessité du dessin de presse, indissociable de l'histoire de la démocratie, de conserver et d'exposer, de mettre en débat la satire politique. C'est un projet positif autant qu'un projet de conservation et d'histoire.

Emmanuel Macron avait d'ailleurs défendu l'idée d'un tel lieu après l'assassinat de Samuel Paty. Est-ce que vous soupçonnez le président d'abandonner ce projet ou bien vous voulez juste l'accélérer ?

Le projet, qui est sur le bureau de Roselyne Bachelot depuis octobre 2020, a peut-être été un petit peu laissé de côté. Peut-être qu'ils avaient d'autres dossiers urgents, donc c'est une piqûre de rappel. À de nombreuses occasions, la France rappelle ses valeurs, se voit comme le porte-étendard de la liberté d'expression. Et le dessin de presse est indissociable de la liberté de la presse, il a grandi avec le combat pour la presse libre. Des Daumier et des Philipon se sont battus au XIXe siècle, Daumier a payé de la prison le droit de caricaturer le roi. La France se donne un rôle particulier dans la défense de ces valeurs, elle le fait plus que d'autres. Il faut être à la hauteur de ses ambitions. L'ambition de cette Maison du dessin de presse est une ambition européenne, tant mieux. Je trouve que la France est bien placée pour porter ce projet. Mais il faut maintenant mettre les actes en accord avec ses paroles. Il faut rappeler que l'humour est inséparable de la démocratie et est libérateur aussi, l'humour et le dessin de presse permettent de faire sens de l'absurdité du monde et favorisent l'esprit critique. Le dessin de presse est un formidable outil éducatif et un outil du vivre-ensemble. Expliquer l'humour et le partager, ça permet de partager notre expérience humaine.

D'après vous, à quoi devrait ressembler une telle Maison du dessin de presse : un lieu d'expositions et un lieu de débat ?

Ça doit être tout ça. Il y a un rapport qui a été remis par Vincent Monadé, président du Centre national du livre. Il y a eu un comité scientifique avec des dessinateurs, des acteurs associatifs et Mme Wolinski qui en est le leader. Il y a des propositions d'hébergement de ce lieu, notamment à Paris. Ça doit être un lieu de conservation, d'expositions, de débats bien plus larges que le dessin de presse : des débats sur l'opinion, sur la satire, des débats qui participent vraiment à la discussion démocratique et à cet esprit de liberté et d'esprit critique qu'on veut défendre.

Trouvez-vous qu'aujourd'hui les responsables politiques sont parfois un peu rétifs à se voir caricaturés ?

Sincèrement en démocratie, ils sont plutôt contents de se voir caricaturés, quelle que soit la forme de la caricature. La pire insulte qu'on puisse faire à un politicien, c'est de ne pas le dessiner. Je crois que tout le monde l'a compris. Ce qui est paradoxal, ce qui est ironique, c'est qu'au XIXe siècle le principal tenant de la censure c'était l'État, c'était le pouvoir. Aujourd'hui, le pouvoir se trouve être paradoxalement le rempart premier pour défendre la liberté de la presse et la liberté de la satire. C'est un rôle qui implique évidemment qu'il ne se mêle pas du contenu. Sur ça, je crois qu'on a bien évolué depuis l'ORTF et l'époque des médias de service public sous contrôle. Il le fait en défendant un rôle démocratique. Quand la satire n'existe plus, la démocratie n'existe plus.

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