Cet article date de plus de huit ans.

Afghanistan : une campagne anti-polio dans d'anciens bastions de Daech

Le gouvernement afghan vient de terminer une grande campagne de vaccination contre la polio, dans des zones auparavant contrôlées par Daech, qui entravait l'accès aux soins. 

Article rédigé par Mélanie Kominek, franceinfo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
6,5 millions d'enfants ont été vaccinés contre la polio en Afghanistan lors d'une campagne commencée le 29 août 2016 (NOORULLAH SHIRZADA / AFP)

La campagne de vaccination contre la polio a plus particulièrement visé des zones reculées de l’est d'Afghanistan où Daech s’était installé à partir de 2015. Depuis quelques mois, de vastes offensives de la part des forces spéciales afghanes et américaines ont permis de chasser une partie des djihadistes permettant ainsi à la population locale l’accès aux médecins. La journaliste Mélanie Kominek, correspondante de franceinfo à Kaboul, détaille et décrypte les résultats de cette vaccination d'envergure.

franceinfo : quel bilan dresser de cette campagne sans précédent menée en Afghanistan ?

Mélanie Kominek : C’est un bilan positif puisque le ministère de la Santé espérait immuniser environ neuf millions et demi d’enfants en cinq jours, ce qui représente un tiers de la population. Et à l’issue de cette campagne pharaonique, six millions et demi d’enfants ont été vaccinés. Le résultat apparaît satisfaisant et pourtant il est aussi très frustrant pour les médecins qui ont participé à cette opération. Ils m’ont confié que certains groupes djihadistes refusent toujours cette campagne de vaccination dans les régions qu'ils contrôlent, que ce soient les talibans par exemple autour de Kunduz ou bien le groupe État islamique implanté dans l’est du pays depuis 2015.

Le ministère de la Santé avait d’ailleurs souhaité se concentrer plus particulièrement sur cette région car la plupart des cas de polio enregistrés cette année ont été signalés dans l’est du pays. C’est d’ailleurs là-bas que la campagne de vaccination a reçu le plus de résistance.

Pourquoi Daech entrave-t-il cette campagne de vaccination ?

Le groupe État islamique s’est persuadé qu’une vaste théorie du complot se cache derrière les campagnes de vaccination de la polio. Parmi les nombreux arguments que les médecins ont pu nous fournir, figure celui des djihadistes qui s’imaginent que les docteurs sont des espions. D'autres djihadistes pensent que les médecins tentent de stériliser les musulmans. Il faut rappeler que la plupart des 60.000 volontaires de cette campagne, financée par l’Unicef et l’Organisation mondiale de la santé (OMS), sont eux même des musulmans.

Dans tous les cas, les spéculations de l’EI ne sont pas sans conséquence puisque des milliers d’enfants sont privés de soins, maintenant depuis plus d’un an, dans l’est du pays. Et c’est un vrai défi car la population locale reste parfois réticente comme me l’a expliqué un médecin sur place : "Dans l'est de l'Afghanistan, il y a beaucoup de familles afghanes qui reviennent tout juste du Pakistan. Et là-bas, certains leaders religieux ont annoncé que la vaccination de la polio aux enfants devait être interdite. Alors ces familles qui reviennent en Afghanistan ne veulent pas vacciner leurs enfants."

Pourtant, le Pakistan reste avec l’Afghanistan l’un des deux derniers pays au monde où la polio reste endémique. Comment cela s’explique-t-il ?

La propagande au Pakistan a commencé en 2011 lorsque la CIA a utilisé une fausse campagne de vaccination contre l'hépatite pour identifier Oussama Ben Laden dans le nord du pays. Depuis, les groupes extrémistes pensent que la CIA veut également les stériliser.

La conséquence désastreuse de cette méfiance, c'est que des militants extrémistes s’en prennent sans relâche aux campagnes de vaccinations contre la polio. Ils ont assassiné plus de quatre-vingt personnes en quatre ans. Par ailleurs, le Pakistan a recensé cette année trois fois plus de cas de polio qu’en Afghanistan.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.