En Afrique du Sud, beaucoup de malades se tournent vers les sangomas, des "guérisseurs-divins"
Autrefois méprisée sous l'apartheid, cette médecine traditionnelle est aujourd'hui pratiquée par de nombreux jeunes qui n'hésitent pas à faire évoluer les traditions.
Sur le continent africain, les médecines traditionnelles gardent une place très importante au sein des sociétés. L’OMS a d’ailleurs récemment encouragé les recherches autour de ces pratiques, alors que l'épidémie de Covid-19 a relancé le débat sur leur efficacité.
En Afrique du Sud, beaucoup de malades se tournent vers les sangomas, ces "guérisseurs-devins" qui communiquent avec leurs ancêtres. L’image qui colle à la peau des sangomas est celui d’une vieille femme, dans sa hutte reculée, pratiquant la sorcellerie. Pourtant, de nombreux jeunes deviennent désormais praticiens et n'hésitent pas à faire évoluer les traditions.
Une tradition méprisée sous l'apartheid
Nomfundo Dhlamini utilise une bourse remplie d’osselets pour consulter ses ancêtres. Elle reçoit au fond de son jardin, dans une petite cabane, où s'entassent sur des étagères des bocaux de plantes curatives. À 30 ans, la jeune femme est fière de perpétuer cette tradition qui était méprisée sous l’apartheid. "Nous sommes de plus en plus de jeunes à répondre à l’appel des ancêtres, mais c’est sans doute parce que désormais nous savons mieux qui nous sommes", explique-t-elle.
Nous sommes une génération née libre, qui n’est pas obligée de se conformer aux normes imposées par la communauté blanche. Cela explique pourquoi on se permet de revendiquer nos traditions et notre histoire.
Nomfundo Dhlamini, sangoma
Mais pas question d’être coupée du monde moderne. En semaine, Nomfundo mène en parallèle une carrière en communication et personne ne peut se douter qu’elle devient, le week-end, la sangoma connue sous le nom de Gogo Nomi.
Consultation à distance
Cette nouvelle génération de sangomas n’hésite pas à faire usage des réseaux sociaux, particulièrement plébiscités en temps de coronavirus, pour attirer un nouveau public mais aussi pour consulter à distance. À 31 ans, Thabiso Siswana, établie à Soweto, a été initiée il y a une dizaine d'années, comme l’a été sa mère, mais elle a ensuite quelque peu transformé les pratiques. "Le monde change, et se modernise, argumente la sangoma. Les réseaux sociaux sont devenus une plateforme habituelle pour moi. Je peux même offrir des consultations au-delà de l’Afrique du Sud. J’utilise d’habitude les appels WhatsApp. Une fois que j’ai jeté les osselets, j’appelle pour exposer ce que je perçois, puis je continue à jeter les osselets pendant l’appel, au fil de la discussion." Avec la pandémie et le confinement très strict mis en place dans le pays, de telles pratiques se sont d’autant plus normalisées.
Certains guérisseurs traditionnels, plus âgés, critiquent ces nouvelles tendances, en particulier les consultations en ligne. Mais Thato Tshukudu, une sangoma de 42 ans basée à Pretoria, espère que la nouvelle génération saura redonner du dynamisme à cette culture : "On voit peu à peu ces jeunes sangomas s’éveiller et émerger. Elles sont fières de qui elles sont, de leur identité."
On peut maintenant présenter ces connaissances ancestrales de manière à casser l’image des sangomas sales, qui font de la sorcellerie. Quand on nous voit, on comprend que nos pratiques ne sont pas si mauvaises finalement.
Thato Tshukudu, sangoma
Cette jeune génération espère aussi être mieux acceptée comme complément de la médecine conventionnelle, alors que de nombreux Sud-Africains font régulièrement appel à leurs services.
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