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En Tunisie, une personne sur cinq veut quitter le pays, selon une enquête nationale

D'après une étude nationale sur les migrations réalisées en Tunisie et publiée le 8 décembre, 40% des jeunes âgés de 15 à 29 ans veulent quitter le pays.

Article rédigé par franceinfo - Maurine Mercier
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Des jeunes tunisiens manifestent contre le chômage devant l'installation d'hydrocarbures et de gaz d'el-Kamour, dans l'Etat de Tataouine, le 16 juillet 2020. (FATHI NASRI / AFP)

Un Tunisien sur cinq veut quitter la Tunisie : ce chiffre édifiant a été dévoilé mercredi 8 décembre par une enquête nationale sur les migrations, réalisée par l'Observatoire national de la migratoin (ONM) et l'Institut national de la statistique (INS). La proportion est encore plus élevée chez les jeunes de 15 à 29 ans : 40% d’entre eux veulent partir vers l’Europe. 

Cette étude montre combien les jeunes sont face à un mur en Tunisie. Le chômage frappe en effet 40% d'entre eux. C’est le cas de Bilal, 24 ans. "Tous les jeunes comme moi, au café, ils n’ont même pas un dinar en poche", raconte ce jeune qui a cessé ses études avant le baccalauréat. Très vite, comme tant d’autres, il s'est retrouvé dans l’impasse. Il sait qu’il faudrait un miracle pour décrocher un emploi stable. "Ici, si tu as la chance de trouver un travail, tu es obligé d’accepter de toucher un salaire minime et tu as à peine de quoi survivre." 

Il sait qu'il faudrait un miracle encore plus grand pour obtenir un visa en direction de l’Europe mais il est déterminé à gagner le continent malgré tout. "Nous, les jeunes, on ne rêve que de quitter ce pays. Peu importe si on meurt en mer." Les Tunisiens représentent la première nationalité à atteindre clandestinement l’Italie, avec plus du quart des arrivées cette année, selon les chiffres du Haut-commissariat aux réfugiés. Des dizaines de Tunisiens n'arrivent pas jusqu'en Europe et meurent en mer.

Les diplômés quittent aussi le pays

Comment expliquer qu’autant de Tunisiens considèrent qu’ils n’ont pas d’avenir dans leur pays ? Il y a d'abord une économie pratiquement à l’arrêt, comme le racontait Bilal. Ensuite, il existe une défiance envers la classe politique et par conséquent envers la démocratie. Selon les sondages, le président – qui s’accapare tous les pouvoirs depuis le 25 juillet – reste extrêmement populaire. Cependant, sur le terrain, on s’aperçoit très vite combien les Tunisiens n’espèrent pas grand-chose de lui.

Les jeunes ne sont pas les seuls à vouloir partir. En effet, les diplômés veulent aussi très souvent quitter le pays. L’étude met ainsi en lumière ce pays qui se vide de ses cerveaux. Selon un jeune médecin, "il faut être fou pour rester en Tunisie". Il souhaiterait rester dans son pays mais n’y parvient pas à cause du manque de moyens et des salaires au plus bas. "L'Europe veut prendre la crème, les diplômés !", s'insurge Ramy Salhy, directeur du bureau Maghreb d’Euromed droits, une ONG qui regroupe les défenseurs des droits humains des deux rives de la Méditerranée.

Il est très en colère contre l’Union européenne : "C'est hallucinant de voir le nombre de médecins, ingénieurs, informaticiens, qui travaillent en Europe ! La Tunisie, elle, investit avec très peu de moyens et ensuite ils sont récupérés par l’Europe. C’est une honte !" Il estime que l'Union européenne adopte une "position sélective", laissant ainsi les autres candidats à la migration sur le bord de la route : "On doit les bloquer. Ils ne viennent pas." Plus de dix ans après la révolution tunisienne, personne ne voit comment la situation économique de la Tunisie pourrait s'améliorer rapidement. Or, les jeunes en particulier - diplômés ou non - ne peuvent plus attendre.

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