En Turquie, un film accusé par le gouvernement de "propagande LGBT" crée la polémique dans le pays
Le film "Kurak Günler" ("Burning days" à l'international) a beau avoir été sélectionné au festival de Cannes et reçu de nombreux prix, il est accusé par le gouvernement turc de “propagande LGBT”. Malgré ça, le film rencontre un grand succès dans les salles.
Dans ce cinéma indépendant de la rive européenne d'Istanbul, Sertar, un étudiant de 22 ans en psychologie, ne voulait rater cette séance pour rien au monde. "J’avais déjà vu des films d’Emin Alper. C’est un réalisateur que j’aime beaucoup. Bien sûr, avec les derniers rebondissements, il y a une responsabilité en plus pour aller voir le film !"
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Car le dernier long-métrage du réalisateur Emin Alper est au cœur d'une vaste polémique en Turquie. Alors que tout semblait bien parti pour Kurak Günler (Burning Days à l'international), puisqu'il a été sélectionné au festival de Cannes et a reçu de nombreux prix, le gouvernement turc accuse le film de "propagande LGBT". Le ministère de la Culture a même demandé le remboursement de ses aides.
Face au scandale, l'équipe du film a publié un texte appelant au soutien des spectateurs, pour qu'ils se rendent en salles. Mais elle ne s'attendait pas à une telle vague de solidarité, explique Nadir Operli, le producteur : "Nous avons reçu beaucoup de messages de soutien. Certains ont aussi acheté des tickets et les ont laissés aux guichets de certains cinémas, à disposition des étudiants."
100 000 euros d'aides réclamées par le gouvernement
Le film suit un jeune procureur, muté dans une ville anatolienne et confronté à la corruption de la population locale. Mais ce qui a fait bondir les conservateurs, c’est que le film dépeint aussi une romance entre le héros et un journaliste. Même si celle-ci n'est jamais concrétisée, il n'en fallait pas plus pour qu'une véritable campagne de dénigrement soit lancée.
"Avec le succès du film, des journaux pro-gouvernementaux ont commencé à écrire que nous avions donné un scénario au ministère de la Culture puis tourné un film totalement différent. Mais c’est un mensonge !"
Nadir Operli, producteurà franceinfo
Nadir Operli cite notamment le cas d'un article "basé sur ces mensonges et écrit par quelqu’un qui n’avait même pas vu le film !" Résultat : la veille de la sortie en salles, le ministère de la Culture, qui occupe le rôle du Centre national du Cinéma (CNC) en France, a demandé le remboursement des aides allouées au film, soit environ 100 000 euros.
Pour les soutiens du film, cette polémique vise surtout à détourner l'attention des véritables thématiques du film. L'intrigue est haletante et aborde de nombreux sujets qui traversent actuellement la Turquie. Kurak Günler sera encore à l'affiche pendant quelques semaines, et il sortira en France le 5 avril 2023. L'occasion de se forger son propre avis.
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