La défense des droits LGBT, source de tensions et de haine en Serbie et en Turquie
Dans le club des correspondants, franceinfo passe les frontières pour voir ce qui se passe ailleurs dans le monde. Direction la Serbie et la Turquie, où les mouvements anti-LGBT sont très puissants.
Les marches des fiertés provoquent, dans certains pays, d'immenses tensions. C'est le cas en Turquie, où la gay pride est interdite et où les mouvements anti-LGBT se mobilisent encore fortement. En Serbie, la semaine des fiertés se termine, samedi 17 septembre, avec un défilé menacé, plusieurs fois annulé, et finalement maintenu sous la pression politique.
En Serbie, menace sur la marche des fiertés
Après plusieurs jours d'incertitude, le défilé des fiertés de Belgrade, en Serbie, devrait se tenir, samedi, à l'occasion de l'EuroPride qui se termine dans la capitale. Ce défilé fait l'objet de vives tensions dans le pays et s'est transformé en véritable feuilleton. Il avait d'abord été annulé d'autorité par le président à la fin de l'été, puis par le ministère de l'Intérieur. Le bureau du procureur a ensuite rappelé les lourdes peines qu'encouraient ceux qui manifesteraient contre l'avis de la police.
Pendant tout ce temps, l'extrême droite a manifesté plusieurs fois pour défendre les valeurs traditionnelles. L'Église a également jeté de l'huile sur le feu, notamment le patriarche de l'Église orthodoxe qui a utilisé un vocabulaire particulièrement violent contre les organisateurs. Dans cette ambiance délétère et de haine, les organisateurs ont fait circuler une pétition qui a recueilli 27 000 signatures. Ils ont surtout obtenu l'appui très médiatisé de l'Union européenne, des États-Unis, de la France, l'Allemagne et de quelques autres pays. Le gouvernement veut alors éteindre l'incendie. Il aurait promis aux Occidentaux que la marche pourrait se tenir, mais sur un trajet raccourci, cette information n'est pas officielle.
Une manifestation anti-fiertés était aussi prévue le même jour, mais la police l'a également interdite et plus personne n'en parle. Ce qui est sûr, c'est qu'il faudra un important déploiement policier en ville pour assurer la sécurité des participants à l'Europride, compte tenu du niveau de tension que cette affaire a généré dans les milieux traditionalistes. Par le passé, il y avait eu au moins deux fois des incidents violents à la gay pride de Belgrade et les actions du gouvernement vont être scrutées de très près samedi.
Avec cette tentative d'interdiction, le gouvernement serbe s'est mis en contradiction avec sa propre Constitution, qui interdit les discriminations notamment sur la base de l'orientation sexuelle. Ce point a été remarqué par la Commission européenne, dont certains représentants se sont déclarés très déçus de l'attitude de Belgrade. La Serbie, candidate à l'accession européenne, espérait ouvrir de nouveaux chapitres à la fin de l'année. Plusieurs sources diplomatiques occidentales indiquent qu'au contraire, l'attitude serbe lui vaudra un rapport beaucoup plus sévère que prévu, et sans doute aucune avancée significative sur sa route européenne.
En Turquie, un grand rassemblement anti-LGBT
En Turquie, la gay pride est interdite depuis le coup d'État de 2015. Les mouvements anti-LGBT, eux, sont encore très puissants et se mobilisent. Le rassemblement des familles, pour les familles, l'équivalent de La manif pour tous, doit se faire entendre encore ce week-end. Avec un rassemblement convoqué dans un parc de Fatih, ce quartier historique d’Istanbul, le cœur de la vieille ville. Fatih est considéré aujourd’hui comme un quartier conservateur et pieux. C’est ici, par exemple, que se trouve Sainte-Sophie. Un choix assez logique pour se retrouver entre familles opposées à l’idéologie LGBT comme disent ses détracteurs.
Plus d'une centaine d'associations appellent à ce rassemblement, parmi lesquelles une confrérie qui professe un islam très rigoureux, une autre proche des loups gris ou encore une association dont Bilal Erdogan le deuxième fils du président est membre fondateur. Voilà qui atteste de la proximité du pouvoir avec ces mouvements. Les chaînes de télé pro-gouvernementale vont d’ailleurs diffuser le rassemblement en direct.
Des spots sont diffusés pour appeler à se déplacer en famille à ce rassemblement. On y voit des images qui montrent des couples homosexuels s’embrassant, des rassemblements LGBT un peu partout dans le monde avec le drapeau arc-en-ciel. Et par dessus, une voix dénonce la propagande LGBT, qualifiée encore de virus, ou encore les lobbies internationaux impérialistes qui veulent déconstruire les familles et détruire l’humanité sont aussi évoqués.
La gay pride est interdite depuis 2015 et le coup d’État de juillet. En 2014, elle avait rassemblé 100 000 personnes à Istanbul et les autorités avaient décidé de ne plus l’autoriser, officiellement pour des raisons de sécurité. Pour autant, des militants et associations se rassemblent chaque année et chaque année, la police les disperse avec fracas. En juin dernier, plus de 200 interpellations ont eu lieu à Istanbul. Être gay n’est pas pénalisé en Turquie, depuis le milieu du XIXe siècle, mais c’est un tabou et l’hostilité du pouvoir déteint sur la société.
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