L’Argentine pleure Hebe de Bonafini, la présidente des Mères de la Place de Mai, morte à 93 ans
Figure emblématique des droits de l’homme, la présidente des Mères de la Place de Mai, Hebe de Bonafini, est morte à l’âge de 93 ans. Cette association avait été créée pendant la dictature militaire en Argentine par les mères cherchant leurs enfants disparus.
Trois jours de deuil national ont été décrétés en Argentine après la mort dimanche 20 novembre de Hebe de Bonafini, la présidente des Mères de la Place de Mai. Jusqu’à mercredi 23 novembre, le drapeau est resté en berne sur le palais présidentiel pour rendre hommage à cette mère qui a perdu deux de ses trois enfants pendant la dictature, et qui a su transformer sa douleur en lutte incessante.
En février 1977, son fils aîné Jorge est séquestré par les militaires. En décembre, c’est son deuxième fils qui est enlevé. Cette même année, avec d’autres mères à la recherche de leurs enfants, elles s’organisent et manifestent tous les jeudis sur la place de Mai à Buenos Aires, juste en face du palais présidentiel. Hebe de Bonafini raconte le début de son combat dans une vidéo de l’association des Mères diffusée en septembre dernier : "On venait tous les jeudis. Tout le monde nous disait qu’on était folles."
"Les militaires nous ont insultées, nous ont dénoncées, nous ont craché dessus, ils sont entrés dans nos maisons, mais l’amour pour nos enfants était tellement fort qu’ils n’ont pas pu nous faire flancher."
Hebe de Bonafinidans une vidéo
Après un combat de 45 ans, Hebe sera morte sans savoir la vérité sur ses enfants, où, comment ou quand ils ont été tués, mais elle se sera battue pour les autres mères des 30 000 disparus.
"Une figure de l’envergure du Che"
En tant que présidente de l’association des Mères de la Place de Mai, naturellement Hebe de Bonafini a toujours fait de la politique. Engagée, proche de Cristina Kirchner, elle a lutté contre les génocides mais aussi contre les inégalités et le néolibéralisme. Hebe était une dirigeante déterminée, implacable et au franc parler.
En 1991, le journaliste Jesus Quinteros a longuement interviewé Hebe de Bonafini (Vidéo en espagnol) :
"Elle a consacré sa vie non seulement à construire de la mémoire mais aussi à construire des logements pour les pauvres, et du sens pour les luttes, raconte l'un de ses compagnons de lutte, Camilo Juarez Pais, fils de disparus. La figure d’Hebe est une figure de l’envergure du Che [Guevara] et en même temps, elle était très douce dans l’intimité. Cette femme va devenir une légende sans aucun doute dans notre histoire."
Un hommage populaire est organisé à 15h30 jeudi 24 novembre. Sur la place de Mai, bien entendu.
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