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La "toilette toxique de l'Europe" : un village andalou fait les frais du grand marché mondial des déchets dangereux

La commune de Nerva est devenue célèbre à cause de sa décharge, située à 700 mètres du village, et qui reçoit des tonnes de résidus toxiques en provenance des quatre coins de l’Europe.

Article rédigé par franceinfo, Marie-Hélène Ballestero
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Environ 70 000 tonnes de déchets toxiques doivent encore arriver du Monténégro d’ici le mois de mai. (Julio Muñoz/ MaxPPP)

Cela fait 25 ans que le petit village andalou de Nerva, 5 000 habitants, situé dans la province de Huelva, en Esapgne, fait les frais du grand marché mondial des déchets dangereux pour l'environnement qui terminent dans une décharge située à 700 mètres de la commune, où s'entassent ainsi des tonnes de résidus toxiques en provenance des quatre coins de l’Europe. Les associations écologistes parlent de "la toilette toxique de l’Europe".

La décharge devait accueillir à l’origine des déchets industriels de proximité mais, finalement, elle reçoit des résidus toxiques qui affluent de toute part : Italie, Grèce, Malte, Gibraltar et la semaine dernière, ce sont deux navires du chantier naval de Bijela, au Monténégro, qui ont parcouru plus de 3 000 km avec, à leur bord, 12 300 tonnes de déchets dangereux.

La situation indigne les habitants

Après avoir rejoint le port de Séville, des centaines de camions sont actuellement en train d’acheminer ces résidus toxiques vers la décharge de Nerva. Une situation qui inquiète et indigne les habitants, comme l’explique le maire socialiste de Nerva, José Antonio Ayala : "Ce que disent les règlements, c’est que les résidus doivent être traités de manière appropriée et aussi près que possible de l’endroit où ils sont produits. Nous ressentons de l’indignation."

"Cette décharge a été ouverte avec l'engagement que seuls les déchets industriels produits dans le triangle Huelva/Séville/Cadix devaient être traités ici. Cela n’a jamais été le cas. C’est l’une des nombreuses promesses non tenues. Vingt-cinq ans, c’est déjà plus que suffisant : il est temps d’y mettre fin."

Le maire de Nerva

à franceinfo

Parmi les promesses figurait une compensation économique. Pendant des années, le village a perçu une redevance de deux millions d’euros par an pour compenser au moins le risque de stockage des déchets mais l’entreprise à qui appartient les terrains, où est située la décharge, a cessé de payer. Comment se fait-il que des déchets du Monténégro arrivent en Espagne ? En fait, le gouvernement monténégrin souhaite décontaminer le chantier naval de Bijela qui, pendant des décennies, s’occupait du nettoyage et de la mise au point des navires rouillés. Un appel d’offres a été lancé pour la gestion des déchets, remporté par la société française Valgo.

L'appât du gain à l'origine du choix de Nerva

Selon Juan Romero de l’association Ecologistes en Action, le site de Nerva a été choisi après avoir sondé d’autres destinations en Norvège et en France. Et c’est l’appât du gain qui a fait pencher la balance : "C’est parce qu’ils ont trouvé l’endroit le moins cher de toute l’Europe, souligne Juan Romero, porte-parole de Ecologistas en Acción à Huelva. C’est évidemment parce que c’est très rentable pour les entreprises qui négocient avec les déchets. Il faut que le Monténégro mette en place ses propres infrastructures et chaque pays les siennes. Et qu’un principe de proximité géographique soit appliqué. Il est absurde et aussi contraire à tous les principes de transporter ces déchets à telle distance. C’est un vrai problème et l’option commerciale ne peut être la solution."

Même si les associations écologistes et la population locale réclament la fermeture de la décharge, son avenir est incertain. Environ 70 000 tonnes doivent encore arriver du Monténégro d’ici le mois de mai, alors que Bijela va se transformer peu à peu en un port de plaisance de luxe. Un projet conduit par une entreprise de Dubaï, avec le soutien de la Banque mondiale.

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