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CHRONIQUE. Institutions : faut-il enterrer le RIP ?

Clément Viktorovitch revient chaque semaine sur les débats et les enjeux politiques. Dimanche 7 mai : le référendum d’initiative partagée.
Article rédigé par franceinfo, Clément Viktorovitch
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
Des manifestants à Paris le 3 mai 2023, alors que le Conseil constitutionnel devait se prononcer sur une demande de référendum d'initiative partagée (TERESA SUAREZ / EPA)

Le Conseil constitutionnel a rejeté cette semaine la deuxième demande de RIP sur les retraites, qui avait été déposée par les parlementaires de l’opposition. Mais cette décision ne change pas grand-chose, puisque la procédure a été imaginée… pour ne jamais être appliquée !

Pour le comprendre, il faut revenir au cœur même de cette procédure baroque, le "référendum d’initiative partagée". Quand on entend le mot référendum, généralement, la première chose à laquelle on pense, c’est la participation des citoyens : l'adoption ou le rejet d’une décision par le corps électoral lui-même. Or le RIP a justement été imaginé dans un seul but : éviter que le peuple ne s’exprime directement. Cela peut sembler paradoxal, mais il suffit de reprendre, étape par étape, le fonctionnement de cette procédure. D’abord, notons qu’elle ne peut en aucun cas être engagée par les citoyens eux-mêmes ! Il faut d’abord que 185 députés ou sénateurs acceptent de cosigner une proposition de loi. C’est beaucoup, mais ce n’est que le premier verrou. Le Conseil constitutionnel doit ensuite valider la demande de RIP. C’est ici que se sont arrêtées les deux propositions récentes sur les retraites. C'est une décision juridique, mais elle comporte une part d’interprétation : elle est donc contestable. 

Plusieurs étapes, quasiment impossibles à passer

Admettons que le Conseil donne son aval : il reste encore la phase de collecte des soutiens. 4,8 millions d’électeurs doivent apporter leur signature : c’est faramineux. La seule demande de RIP qui soit arrivée jusque-là – la proposition de loi contre la privatisation d'Aéroports De Paris, en 2019 – a plafonné à un million de signatures. Soyons clairs : le seuil a été fixé pour ne pas être atteint !

Sur la réforme des retraites, vu l’ampleur de la crise sociale, on pouvait imaginer que les signatures soient rassemblées. Cela aurait pu constituer l’exception qui confirme la règle, mais cela n’aurait, malgré tout, rien changé. Parce qu’après, que se passe-t-il ? Il reste une étape : le Parlement dispose de six mois pour examiner la proposition de loi. Si les deux assemblées ne le veulent pas, le gouvernement peut les y contraindre. Une fois que le Parlement est saisi, le texte peut être soit adopté, soit rejeté, mais dans les deux cas, ce sera définitif : il ne passera pas devant les électeurs. C’est si, et seulement si, la proposition de loi n’est pas soumise au Parlement, qu’enfin, elle pourra être votée par les citoyens. Autant dire que cela n’arrivera jamais.

C’est d’ailleurs pour cela que le groupe Liot a déposé directement, à l’Assemblée nationale, une proposition de loi pour abroger la réforme des retraites : cela revient exactement au même que si le RIP avait été validé par le Conseil constitutionnel, et soutenu par 4,8 millions d’électeurs.

Le RIP a été introduit dans la Constitution pour des raisons purement politiques

Durant l’élection présidentielle de 2007, Nicolas Sarkozy avait fait campagne sur le thème du referendum, en promettant de "redonner la parole au peuple". De toutes évidence, il a voulu tenir sa promesse, tout en s’assurant qu’elle n’ait pas la moindre conséquence sur le fonctionnement de nos institutions. Depuis le début, cette procédure a été pensée comme un paradoxe : un référendum qui ne donne aucun pouvoir au peuple.

On pourrait imaginer des pistes pour l'améliorer. Le président Macron en avait notamment parlé au lendemain de la crise des "gilets jaunes". Seulement, à chaque fois, la piste évoquée est la même : abaisser le nombre de signatures requises. Or, ça fait aucune différence : quel que soit le seuil, rien ne garantit que la proposition sera ensuite soumise aux citoyens. Non, si l’on croit en la vertu démocratique du référendum, il faut reprendre toute la copie, pour introduire un véritable référendum d’initiative citoyenne. Une procédure que les électeurs puissent initier et trancher par eux-mêmes. On pourrait même envisager qu’elle s’entremêle avec les conventions citoyennes, au sein desquelles les citoyens se saisissent d’une question par le biais d’une pétition, qui entraîne la réunion d’une convention chargée de préparer un texte précis, lequel est ensuite accepté ou rejeté par référendum.

Nous aurions alors une authentique procédure de démocratie directe, à la fois délibérative et participative. Qui nous permettrait, d’ailleurs, de sortir par le haut des situations de crise politique. Aujourd’hui, tous les moyens technologiques existent. La demande des citoyens est réelle – on l’a constaté durant la crise des "gilets jaunes", on le constate encore aujourd’hui. La seule question est la suivante : les responsables politiques seront-ils prêts, un jour, à se dessaisir d’une partie de leur pouvoir, pour le redonner au peuple afin qu’il l’exerce directement ?

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