Législatives 2022 : des députés... mais pour quoi faire ?
À quelques jours du premier tour des élections législatives, Clément Viktorovitch revient sur le rôle de l’Assemblée nationale. Avec une question simple : à quoi servent les députés ?
Pour quoi faire ? C’est la question qu’on peut se poser au moment où il nous revient d’élire nos 577 représentants à l’Assemblée nationale !
Alors, commençons par le commencement : le premier rôle des députés, c’est de déterminer quelle sera la couleur politique du gouvernement pour les cinq ans à venir. Rappelons que, si c’est le président de la République qui nomme le Premier ministre, et le Premier ministre qui constitue un gouvernement, ce gouvernement devra ensuite obtenir la confiance de l’Assemblée nationale. C’est la raison pour laquelle ces élections sont fondamentales. Si Emmanuel Macron n’obtenait pas la majorité, il serait effectivement contraint de désigner une personnalité issue du parti vainqueur.
Mais les députés ont-ils pour seul rôle de soutenir ou critiquer le gouvernement ? Non. Ils ont même un rôle capital : ce sont eux qui, avec les sénateurs, exercent le pouvoir législatif. Ils proposent, modifient et adoptent les lois. En théorie, ils peuvent donc pouvoir forcer le gouvernement à négocier pour chacun de ses projets de loi, et en cas de désaccord, ce sont eux qui ont le dernier mot.
Le régime bien particulier de la Ve République...
Mais en théorie seulement. La toute puissance du Parlement, c’était précisément la crainte du général de Gaulle. C’est pourquoi la constitution de la Ve République prévoit tous les outils pour que le gouvernement puisse tordre le bras du Parlement. On peut n’en citer qu’un : le fameux article 49-3, qui permet au Premier ministre de faire adopter un texte sans vote, à moins que les députés ne se décident à adopter une motion de censure (ce qui n’est jamais arrivé depuis 60 ans).
Ce n'est pas la seule raison qui explique la domination du gouvernement sur l’Assemblée... Il y en a une autre, plus profonde, et qui n’était pas prévue par la lettre de notre Constitution. L’idée qui s’est imposée sous la Ve République, c’est que si les députés de la majorité sont élus, c’est en grande partie grâce à la légitimité conférée par le président de la République – ou le Premier ministre, en période de cohabitation. Conséquence, le gouvernement exige (et, la plupart du temps, obtient) la loyauté de ses députés. C’est ce que l’on a appelé le "fait majoritaire". En pratique, à l’Assemblée nationale, ce que le gouvernement désire, il l’obtient.
Alors, c’était un tout petit peu moins vrai auparavant. Les parlementaires très expérimentés parvenaient parfois à contraindre le gouvernement à la négociation. Mais c’est précisément ce qui a changé lors de la dernière législature. Les députés En Marche, souvent sans ancrage local, souvent nouvellement élus, se sont retrouvés écrasés dans le rapport de force avec l’exécutif. Conséquence : des dires des députés eux-mêmes, le quinquennat d’Emmanuel Macron a été l’un de ceux durant lesquels le travail parlementaire a été le moins écouté.
Les commissions d'enquête parlementaire
Les députés seraient donc devenus totalement inutiles ? Non plus. Car en plus du pouvoir de législation, les députés exercent également un pouvoir de contrôle. Ils contrôlent l’action du gouvernement. Dans les faits ce pouvoir de contrôle est longtemps resté très timide. Les parlementaires n’osaient pas trop malmener les ministres, comme ils en avaient pourtant le droit. Mais depuis plusieurs années, on a vu les commissions d’enquête parlementaires devenir de plus en plus intraitables : sur l’affaire Cahuzac, l’affaire Benalla, l’affaire McKinsey, même si le Sénat s’est davantage illustré que l’Assemblée.
>> Législatives 2022 : tous les candidats dans toutes les circonscriptions
Et au fond, cela illustre bien le paradoxe auquel font face les députés. Sur le papier, le poids politique de la majorité est considérable. En pratique, il dépend beaucoup du pouvoir dont les députés oseront s’emparer, ou que le chef du gouvernement acceptera de leur concéder. Emmanuel Macron n’a cessé de vanter une "nouvelle méthode" de gouvernement. Passera-t-elle par un plus grand respect du Parlement ? C’est ce que nous verrons – à condition, bien sûr, qu’il remporte les élections !
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.