Marine Le Pen : à l’assaut de l’électorat insoumis !
L’élection présidentielle, au deuxième tour, se jouera sur la capacité de Marine Le Pen à faire sien l’électorat de Jean-Luc Mélenchon. L’opération séduction a déjà commencé.
Une des clés du scrutin de l’élection présidentielle, nous le savons désormais, sera la capacité de Marine Le Pen à attirer, ou non, l’électorat de Jean-Luc Mélenchon. L’opération séduction a déjà commencé oui, et elle promet d’être ardue. "Il ne faut pas donner une seule voix à Madame Le Pen" : en une petite phrase, répétée quatre fois de suite au soir du premier tour, Jean-Luc Mélenchon a considérablement compliqué la tâche de la candidate du Rassemblement national. Pour l’emporter au soir du 24 avril, celle-ci devra pouvoir compter sur une partie des électeurs insoumis.
Mais comment faire pour passer outre une consigne aussi claire ? C’est ce à quoi Marine Le Pen s’est attelée mardi matin, sur France Inter. Une stratégie en trois actes et qui commence… par un simple étonnement. "Le comportement de Jean-Luc Mélenchon a été pour moi une source de grand étonnement, avance Marine Le Pen. Après cinq ans de démonstration par Emmanuel Macron d'une politique violemment antisociale, il a été plus proche d'Emmanuel Macron dimanche soir qu'il y a cinq ans. Et je trouve que c'est perturbant : c'est un mystère pour moi."
Marine Le Pen utilise le faux-dilemme pour convaincre
Jean-Luc Mélenchon serait "plus proche d’Emmanuel Macron" qu’il y a cinq ans. C’est en effet une information tout à fait étonnante… d’autant qu’elle est fausse. Jean-Luc Mélenchon n’a pas exprimé une plus grande bienveillance vis-à-vis du président sortant, il a simplement indiqué avec une plus grande insistance son rejet de Marine Le Pen. Pour passer d’une affirmation à l’autre, Marine Le Pen a recourt à un sophisme, c’est-à-dire un argument fallacieux. En l’occurrence, c’est ce que l’on appelle le faux dilemme : réduire une situation complexe à deux options seulement, en laissant toutes les autres dans l’ombre. C’est même le plus pur stéréotype du faux dilemme : s’il est contre moi, alors il est avec Emmanuel Macron. En occultant la position réelle de la France insoumise : s’opposer à la fois à l’une et à l’autre.
Il n’y a donc aucun mystère, sinon celui qu’elle crée… Et cela n’est pas un hasard. "Je m’étonne, je trouve cela perturbant, c’est un mystère pour moi" : par ces phrases, Marine Le Pen cherche à donner l’impression qu’il existerait un secret qui attendrait d’être révélé. C’est, en réalité, la première étape de sa stratégie : l’insinuation. Et bien sûr, ce prétendu mystère, Marine Le Pen va s’empresser de le révéler elle-même. "Il a choisi l'intérêt de ses élus plutôt que l'intérêt de ses électeurs, martèle Marine Le Pen. Il est déjà dans les législatives : il imagine être le chef de la gauche et donc il se fonde sur la seule chose qui est susceptible de les réunir, c'est à dire l'anti-lepénisme, en réalité. Eh bien cela, je pense que c'est une trahison. Ses électeurs attendent la protection : en laissant penser qu'Emmanuel Macron doit être réélu, il leur supprime toute capacité à être protégés."
Jean-Luc Mélenchon aurait trahi ses électeurs
Jean-Luc Mélenchon aurait donc trahit ses électeurs et utiliserait l’anti-lepénisme comme une arme pour faire l’union de la gauche, afin de faire élire ses députés : voilà pourquoi il aurait exprimé une plus grande proximité à l’égard d’Emmanuel Macron, quitte à laisser ses électeurs sans protection. Pourquoi pas. Mais on peut également envisager une autre option : que Jean-Luc Mélenchon ait appelé à faire battre Maine Le Pen parce qu’il rejette son projets et ses valeurs avec la grande vigueur. Ce que fait Marine Le Pen ici relève donc d’un autre sophisme : on appelle cela "l’affirmation du conséquent". Il consiste tout simplement à partir d’une observation, puis de prétendre en déduire une cause, et une seule, qui permettrait de l’expliquer… en laissant volontairement toutes les autres hypothèses dans l’ombre. C’est ainsi que Marine Le Pen accompli la deuxième étape de sa stratégie : la disqualification de Jean-Luc Mélenchon.
Est-ce suffisant pour convaincre les électeurs insoumis de voter pour elle ? Non justement. Et c’est la troisième étape : la conviction. Elle va être offerte à Marine Le Pen par une auditrice de France Inter qui lui dit avoir voté pour Jean-Luc Mélenchon au premier tour, et être encore hésitante au second. Voilà comment la candidate Rassemblement national lui répond : "Je veux vous convaincre en vous disant que je suis probablement de tous les candidats la plus respectueuse de la démocratie et la plus attentive aux libertés individuelles, insiste la candidate. Cela veut dire que je vais mettre en place le référendum d'initiative citoyenne. Deuxièmement, je voudrais vous dire l'attachement que j'ai à la fonction publique qui est aujourd'hui très attaquée par Emmanuel Macron. Et puis, il y a tout l'aspect pouvoir d'achat : moi, je veux rendre aux Français leur argent. Je veux, par toute une série de mesures, m'attacher à faciliter la vie des plus fragiles."
Laissés dans l'ombre, tous les points de désaccord
"Démocratie, libertés individuelles, RIC, fonction publique, protection des plus fragiles" : Marine Le Pen s’attache à mettre en avant tous les points de son programme qui peuvent évoquer celui de Jean-Luc Mélenchon. En laissant dans l’ombre, bien sûr, tous leurs points de désaccord : sur l’immigration, l’islam, l’énergie, l’écologie, la fiscalité, l’économie, les retraites – entre autres. Nous sommes, à nouveau, face à un stratagème parfaitement fallacieux. Bref. Insinuation, disqualification, conviction : voilà donc l’arsenal rhétorique complexe déployé par la candidate du Rassemblement national pour tenter de faire oublier cette simple petite phrase prononcée par Jean-Luc Mélenchon : "Il ne faut pas donner une seule voix à Madame Le Pen."
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