Présidentielle 2022 : " la Remontada" d'Arnaud Montebourg, un slogan saugrenu ?
Tous les soirs, Clément Viktorovitch décrypte les discours politiques et analyse les mots qui font l'actualité.
Arnaud Montebourg a annoncé sa candidature à l'élection présidentielle de 2022 samedi 4 septembre depuis sa ville natale de Clamecy dans la Nièvre, avec un slogan pour le moins saugrenu, qu'il s'est attaché à marteler tout au long de son discours en parlant de "remontada de la France en cinq ans", "remontada industrielle", "remontada des territoires", "remontada des salaires".
"La Remontada de la France", un choix étonnant, presque saugrenu, directement issu de la culture populaire, puisqu’il nous vient du football. Il évoque d’ailleurs des souvenirs douloureux pour certains. On n’oublie pas que le terme "remontada" a été popularisé en mars 2017, quand le Barça a éliminé le PSG de la Ligue des Champions en l’écrasant 6-1, après avoir perdu 4-0 en match aller.
Un slogan moqué, mais plutôt habile
Un choix surprenant qui a provoqué les moqueries contre Arnaud Montebourg tout le week-end. Les twittos s’en sont donné à cœur joie, on a par exemple vu l’affiche détournée des dizaines de fois avec le slogan "Ramener la France à la maison, 2022-2027". C’était à la fois très drôle et très cruel, mais aussi très efficace puisque dans le week-end, les hashtags #Montebourg2022 et #LaRemontada étaient en tête des tendances twitter, ce qui a donné un énorme coup de projecteur sur l’entrée en campagne d’Arnaud Montebourg qui, autrement, serait sans doute passée inaperçue. Comme quoi, la mauvaise publicité, c’est aussi de la publicité.
D’autant que ce mot n’est pas si maladroit que ça. Il se retient facilement, il est à la fois distinctif mais inclusif puisque tout le monde peut se reconnaître dans l’objectif de "remontée". Il évoque à la fois le mouvement, le changement et le progrès et contient même un subtil rappel du nom du candidat : la reMONTada de MONTEbourg. Autant de caractéristiques qui nous renvoient à un autre slogan, "En Marche", d’Emmanuel Macron.
Ce week-end de moqueries ne va d'ailleurs pas forcément nuire à l'image d'Arnaud Montebourg. On a le précédent de François Hollande qui, à l’été 2016, a dit pour la première fois vouloir être un "Président normal". Tout le monde s’en était gaussé. Progressivement, il a retravaillé son terme, il a ressassé l’idée que la présidence Sarkozy aurait été "anormale" et c’est finalement devenu un outil de campagne efficace, avant de se retourner contre lui, pendant son mandat.
La "remontada", un terme à définir
Arnaud Montebourg a d'ailleurs déjà commencé à retravailler le terme, à chercher à le redéfinir mardi matin sur France Inter. Son point de départ, c’est un bilan sur l’état de la France aujourd’hui, et pour lui, elle ne va pas bien.
Arnaud @Montebourg candidat à la présidentielle : "Je vois que mes idées sont devenues majoritaires, elles sont le centre de gravité du pays" #le79inter pic.twitter.com/slxi9xwRQE
— France Inter (@franceinter) September 7, 2021
Une "passe assez difficile", puis "au fond du trou", et enfin "sur tous les plans on est très très mal", le tout en une seule phrase, c’est ce qui s’appelle une détérioration rapide. S’ensuit une longue énumération de tout ce qui ne fonctionne pas dans le pays. Dans ce cadre, qu’est-ce que c’est qu’une "remontada" ?
La remontada, ça veut dire que quand la partie semble perdue, il y a une possibilité de réussir.
Arnaud Montebourgà France Inter
Parvenir à remonter une partie qui paraissait perdue, voilà la remontada qu’Arnaud Montebourg espère pour le pays et pour lui-même qui est pour l’instant crédité de 2% dans les sondages. Le terme est donc porteur à la fois d’un projet politique et d’un récit personnel.
Une rhétorique inspirée d'Emmanuel Macron
Arnaud Montebourg ne se contente pas de vouloir remonter la France, il prétend même l’incarner. "Moi mon camp c'est la France, c'est pas seulement la gauche. Et mon projet est un projet inclassable et inédit, et de ce point de vue là il s'adresse à tous les Français", a-t-il déclaré sur France Inter.
Prétendre parler au nom de la France, pendant une élection présidentielle, ce n’est pas si surprenant mais dans cette volonté de s’adresser à tous les Français, avec un projet inclassable, en rejetant les vieux clivages, Arnaud Montebourg adopte un positionnement qui, en réalité rappelle celui d’Emmanuel Macron en 2017, là encore. Sa campagne rencontrera-t-elle le même succès ? Impossible à dire évidemment mais ce qui est sûr, c’est que si Arnaud Montebourg se montre très critique quant à la politique du président de la République, il n’hésite pas à s’inspirer de sa rhétorique.
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