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Présidentielle 2022 : les contorsions poutiniennes d'Éric Zemmour et de Marine Le Pen

Depuis le début de la guerre en Ukraine, Marine Le Pen et Éric Zemmour tentent de faire oublier leur proximité avec la Russie de Vladimir Poutine. Leur discours, face aux événements de Boutcha, ont été analysés.

Article rédigé par franceinfo - Clément Viktorovitch
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Clément Viktorovitch, sur franceinfo, mardi 5 avril 2022.
 (FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

La campagne de Marine Le Pen et d'Éric Zemmour est à nouveau percutée par la guerre en Ukraine, depuis la révélation des atrocités commises par l'armée russe à Boutcha. Et ce dilemme : comment réussir à faire oublier les anciennes proximités avec Vladimir Poutine ?

Rappelons qu'en février dernier, la candidate du Rassemblement national (RN) était encore fière de faire imprimer, sur un tract de campagne, une photo d'elle aux côtés du président russe. Quant à Éric Zemmour, il n'a jamais caché son admiration pour le dictateur russe, allant jusqu'à déclarer, en septembre 2018 : "Je rêve d'un Poutine français."

Vladimir Poutine, allié de la France ?

Des archives embarrassantes, dont l'une et l'autre se sont déjà expliqués. Mais aujourd'hui, les horreurs de Boutcha viennent à nouveau perturber leur campagne. Marine Le Pen, jeudi 31 mars sur le plateau d'Elysée 2022, sur France 2, répondait à une question posée par Léa Salamé : "Si la guerre cesse en Ukraine demain, Vladimir Poutine peut-il redevenir un allié de la France ?". La candidate y apportait une réponse claire"Oui, bien entendu, ça dépend des terrains. Je l'ai toujours dit : une grande puissance peut être en même temps un allié d'un certain nombre de territoires ou un ennemi ou un concurrent."

Même après s'être rendu coupable de crimes de guerre ? Mardi 5 avril, sur France Inter, la tonalité était un peu différente. "La réalité, c'est que la question a été posée ainsi mais, dans mon esprit, c'est de la Russie dont je parlais, a-t-elle affirmé. La question est : 'Est-ce qu'on considère qu'ad vitam æternam, la Russie doit ne plus faire l'objet de la moindre discussion ? Les gens qui ont fait des crimes de guerre ne peuvent pas réintégrer le concert des nations."

Si Marine Le Pen répond à des questions différentes de celles qui lui sont posées, elle peut difficilement être tenue responsable de ses propos.

Est-ce malhonnête ? Ce que l'on peut a minima affirmer, c'est qu'elle utilise ici un authentique procédé rhétorique, documenté de longue date puisqu'on le retrouve dans l'ouvrage classique d'Arthur Schopenhauer, L'art d'avoir toujours raison. C'est le stratagème 17 : "Se défendre en coupant les cheveux en quatre. Si l'adversaire nous met en difficulté, il est souvent possible de se sauver en établissant une fine distinction à laquelle nous n'avions pas pensé auparavant."

C'est exactement ce que Marine Le Pen fait ici, en déclarant qu'elle ne parlait pas de Poutine mais de la Russie. Le fait est que, jeudi 31 mars, d'autres candidats avaient été beaucoup plus prudents qu'elle : preuve, peut-être, que son tropisme pro poutinien n'a pas totalement disparu.

Éric Zemmour, lui, ne s'est pas trompé

Sur franceinfo, lundi 4 avril, Éric Zemmour a, lui aussi, été interrogé sur les images qui nous sont parvenues de Boutcha. "C'est un crime insupportable, ignoble, mais en plus, pour lui, c'est vraiment salir l'image de la Russie, je ne comprends pas", a-t-il répondu. Un aveu rare dans la bouche du candidat d'extrême droite.

Notons que ce qu'il ne comprend pas, c'est le fait que Vladimir Poutine ait pu commettre des actes qui nuisent à l'image de la Russie. On retrouve la théorie qu'il défend en réalité depuis des années, selon laquelle l'autocrate russe serait avant tout un défenseur de la grandeur de la Russie. Là aussi, les anciens tropismes n'ont pas forcément disparu. Ce qui disparaît assez vite, en revanche… c'est sa position d'humilité. "C'est horrible, mais je l'avais dit depuis le début : 'Les Russes, quand ils sont en guerre, sont capables des pires horreurs, de la violence la plus folle, a-t-il rétorqué. Quand Napoléon les a battus, ils ont brûlé leur capitale pour ne pas la lui laisser. Je l'avais dit depuis le début."

Non, il ne s'est pas trompé ! Rappelons que quelques jours à peine avant le début de l'offensive russe, il disait encore ne pas y croire. Mais ça n'est pas de cela qu'il parle ici : il parle de la cruauté du peuple russe pendant la guerre, et ça, il l'avait prévenu. En rhétorique, c'est là encore un stratagème : s'appuyer sur un point de détail pour clamer qu'on a raison alors que tout le reste nous donne tort. Quant au fond de l'argument, il repose sur une essentialisation du peuple russe, qui serait intrinsèquement et irréductiblement cruel. Nous laissons chacun juger de sa pertinence.

De toute évidence, Marine Le Pen et Éric Zemmour sont prêts à toutes les manigances pour tenter de faire oublier leur ancienne bienveillance à l'égard de Vladimir Poutine.

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