Présidentielle 2022 : les meetings d’Emmanuel Macron et Valérie Pécresse décryptés
Nous allons nous pencher aujourd’hui sur deux des meetings qui ont marqué la campagne ce week-end : ceux de Valérie Pécresse et Emmanuel Macron.
Deux meetings importants ont eu lieu ce week-end, à une semaine de l'élection présidentielle. Pour Emmanuel Macron, il s’agissait de son seul et unique rassemblement avant le premier tour. Quant à Valérie Pécresse, elle était confrontée au défi de faire oublier son meeting raté du Zénith de Paris, en février dernier.
En termes de structure, ces deux discours restent assez classiques pour une fin de campagne. Commençons par Valérie Pécresse, la candidate des Républicains a passé une grande partie de son discours à attaquer le bilan du président sortant, dont elle a fait son principal adversaire. Mais elle a également eu à cœur de parler d’elle, et en des termes parfois surprenants : “Vous m’avez vu gagner. Vous m’avez vu trébucher. Vous m’avez vu me relever. Vous avez découvert ma résistance, ma vérité. Je ne lâche rien et ce courage, je veux le mettre au service des Français.”
Le meeting confession de Valérie Pécresse
Valérie Pécresse nous livre une confession. Elle a, en effet, “trébuché”, c’est une référence claire à ce fameux meeting dans lequel elle n’était pas au niveau. Une faiblesse, donc, mais dont elle fait une force : cet incident de campagne ne témoignerait pas des limites de sa candidature, mais plutôt de sa valeur et de son courage. Elle va même au-delà.
"Je ne suis pas la candidate du verbe, je veux être la candidate de l’action réelle. Si vous ne supportez plus les beaux parleurs qui, au final, sont des mauvais acteurs, si vous préférez une femme qui ose à ceux qui glosent, rejoignez-moi !"
Valérie Pécresse, candidate LR à la présidentiellemeeting à Paris, le 3 avril 2022
Valérie Pécresse admet ne pas être une oratrice hors-pair, mais utilise, à nouveau, cet aveu à son profit : elle ne serait pas une belle parleuse, mais une faiseuse. Alors, sur le fond, le raisonnement est un peu bancal : bien parler n’implique pas nécessairement de ne pas savoir agir, et inversement. En rhétorique, c’est ce que l’on appelle “un renversement argumentatif” : on utilise une accusation pour la retourner comme un gant, à son avantage. Ce n’est pas forcément très rigoureux, en revanche, force est d’avouer que c’est percutant.
De la part d’Emmanuel Macron, de jolis mots mais...
C'était le meeting de la démesure pour Emmanuel Macron avec plus de deux heures de discours devant près de 30 000 personnes. Le président sortant a passé la plupart de son temps à égrener des énumérations, qu’il s’agisse des succès à mettre, selon lui, à son crédit, ou des nombreuses propositions qu’il avance pour le prochain quinquennat. Mais alors, où était la cohérence ? Quels sont les grands principes qui donnent du sens et de l’intelligibilité à sa politique ? Il l’a dit à la toute fin de son discours, en décrivant la France qu’il souhaite construire.
"Vous voulez une France de la parité, de l'écologie, du progrès ? Vous voulez une France du mérite, du travail ? Vous voulez une France qui protège, qui assure la sécurité ? Nos valeurs ? Vous voulez une France plus forte, plus juste dans une Europe nouvelle ? Alors aidez nous, rejoignez-nous !"
Emmanuel Macronmeeting à Nanterre, le 2 avril 2022
"Ecologie, progrès, mérite, travail, protection, sécurité, force, justice" : voilà donc les valeurs structurantes pour Emmanuel Macron. Ces mots, nous commençons à les connaître et les reconnaître, ce sont “des concepts mobilisateurs”, des mots creux, vagues, mais connotés positivement, qui ne disent rien à personne tout en parlant à tout le monde. C’est vrai qu’Emmanuel Macron n’est pas le seul à les utiliser, loin de là. En revanche, il est sans doute le seul à les utiliser autant : "Un projet de progrès, d'indépendance, d'avenir (..) d'émancipation (...) de solidarité (...) De progrès social (...) Pouvoir continuer le progrès (...) Mener ces grandes batailles de progrès (...) Tant de progrès à accomplir (...) L'humanisme au service du progrès (...) Un humanisme qui part du réel (...) L'humanisme, les Lumières, une puissance de rêve, une certaine idée de l'homme. La France, au fond, ce sont des moments de bravoure et quelques mots d’amour."
Et encore, je vous en ai laissé l’immense majorité de côté ! On a une surutilisation de grands concepts totalement vides, dont personne ne songerait à ne pas se revendiquer, au premier rang desquels "l’humanisme" et "le progrès". Et puis, on a aussi des déclarations poético-grandiloquentes : "Une puissance de rêve, une certaine idée de l’homme, des moments de bravoure et quelques mots d’amour." Alors, c’est très beau mais ça ne nous donne pas la moindre indication sur le fond de la pensée politique du candidat. Certaines choses, donc, ne changent pas : comme en 2017, Emmanuel Macron utilise de jolis mots mais refuse de nous dire clairement le fond de ses convictions.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.