Expliquez-nous... Les enjeux médicaux, politiques et juridiques autour de la maternité de Mamoudzou à Mayotte
Alors que la ministre des Outre-mer envisage un possible statut d'extraterritorialité pour l'hôpital de Mamoudzou, chef-lieu du département de Mayotte, franceinfo s'arrête sur les enjeux autour de la maternité de l'hôpital, la première de France.
La maternité du Centre hospitalier de Mamoudzou concentre les deux tiers des accouchements à Mayotte.
C'est de loin la première maternité de France. 9674 bébés y sont nés l'an dernier. Un niveau jamais atteint. La maternité est saturée, les conditions de travail difficiles.
Enjeux autour du droit du sol
De nombreuses femmes venues des Comores viennent accoucher dans cette maternité, parfois au péril de leur vie, faisant les 70 kilomètres de traversée entre Anjouan et Mayotte en "kwassa kwassa", en barque de pêche, parfois pour que leur enfant ait un acte de naissance français, mais aussi et surtout pour pouvoir accoucher dans de bonnes conditions.
Rappelons cela dit que si sept femmes sur dix qui accouchent à Mayotte sont de nationalité étrangère, certaines de ces femmes vivent depuis longtemps à Mayotte, sont mariées à des Mahorais et leurs enfants deviennent français parce qu'ils ont un parent français.
Autre rappel important, le fait d'être né à Mayotte de parents étrangers ne veut pas dire automatiquement avoir la nationalité française. Tout enfant né en France de parents étrangers acquiert de plein droit la nationalité française à sa majorité, ou peut la demander à partir de 16 ans, à condition d'avoir résidé en France pendant au moins cinq ans depuis l'âge de 11 ans.
Les risque d'anticonstitutionnalité d'un statut d'extraterritorialité
Le Premier ministre puis la ministre des Outre mer ont lancé l'idée d'un statut d'extraterritorialité pour cet hôpital, où les enfants de femmes comoriennes qui y naîtraient pourraient être déclarés comme Comoriens au registre de l'Etat civil.
L'idée n'est pas nouvelle, a été évoquée à plusieurs reprises ces dernières années et soulève, au delà des enjeux politiques, des questions juridiques, de nature constitutionnelle.
La Constitution française prévoit bien, dans son article 73, que les lois et règlements, puissent, dans les départements d'outre mer, "faire l'objet d'adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités".
Mais il est clairement écrit ensuite que "ces règles ne peuvent porter sur la nationalité".
Décréter, dans le cadre d'une loi française, des règles spécifiques en matière de droit de la nationalité sur une portion du territoire français pourrait donc s'avérer anticonstitutionnel, en touchant aux principes d'égalité devant la loi et d'indivisibilité du territoire.
Les délicates négociations autour d'une éventuelle convention internationale
Une autre idée avancée serait de négocier plutôt une convention internationale sur le statut de cet hôpital, entre autres, avec les Comores. Mais une telle négociation poserait là des questions diplomatiques renvoyant à des contentieux historiques liés au fait que du point de vue des Comores, Mayotte est une île comorienne et que les Comoriens qui y sont présents ne sont pas des étrangers. Il n'est pas évident qu'un tel accord pourrait être négocié.
Enfin, le personnel de l'hôpital s'interroge sur ce qu'un nouveau statut changerait, ou pas, pour les personnes qui y travaillent.
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