De l'uranium sous ses pieds au Kazakhstan
Dans la cour, devant l'énorme hangar à plusieurs étages, déjà une odeur sourde d'ammoniaque vous saisit. A l'intérieur de l'usine, un vacarme assourdissant, des tuyaux, des vannes, des cuves et des conduits fumants de vapeur. Nous sommes à Tortkuduk, au cœur des steppes du Kazakhstan, dans le désert. C'est là qu'Areva a ouvert il y a dix ans une mine d'uranium.
Philippe Dubois, le directeur, fait la visite. "Dans ces colonnes, explique le Français, la résine va se charger en uranium au contact de l'eau pompée dans le sous-sol. En bas, elle est enrichie. " Le groupe nucléaire français s'est associé à un partenaire kazakhstanais pour ouvrir sa mine. Il promet que tout cela est transparent pour l'environnement puisque tous les puits sont rebouchés une fois épuisés, ce qui fait bondir les écologistes.
Philippe Dubois travaille depuis bientôt deux ans à Torktuduk. Son problème à lui, c'est que l'usine ne s'arrête jamais : "On va nous appeler pour un incident majeur, un équipement complètement en panne et que personne ne comprend. Ça peut arriver à tout moment."
Le Kazakhstan n'est pas un modèle de démocratie. Depuis son indépendance en 1991, l'ancienne république soviétique est dirigée d'une main de fer par Noursoulan Nazarbaïev, un ancien apparatchik du Kremlin. Mais le Kazakhstan possède aussi les deuxièmes réserves mondiales d'uranium et généralement tous les minerais rares du tableau de Mendeleïev (qui représente tous les éléments chimiques, ndlr) sont là, sous nos pieds. Areva a investi 450 millions d'euros dans son usine, embauché des locaux et construit une école. Mais le jeu en vaut la chandelle: sa production est passée de 400 à 4.000 tonnes en 10 ans. Le chiffre d'affaires est top secret.
Ingénieur chimiste diplômé à Mulhouse, Philippe Dubois dirige 22 personnes ici. Ce qui lui plaît à chez Areva, c'est qu'on voit du pays : "On travaille au Niger, au Kazakhstan, en Mongolie, on a des choses en Australie et dans le nord du Canada. Il y a toujours cette petite notion d'exotisme ." Ici, ce sont peut-être les chameaux en liberté qui broutent dans les steppes. La visite continue : juste devant nous, à portée de main, défile à toute allure sur un tapis roulant le "yellow cake", la pâte jaune d'uranium. "C'est le filtre à bande qui va assurer l'épurage final, commente Philippe Dubois. On envoie une pulpe d'uranium et on obtient un solide quasiment sec, avec 15 % d'humidité résiduelle. " Le combustible produit à Tortkuduk n'est pas directement envoyé dans les centrales nucléaires, mais à d'autres usines qui vont l'enrichir et le convertir. A la dernière étape au Kazakhstan, l'uranium est calciné dans un énorme four électrique tournant, qui sert aussi, dans d'autres pays, à fabriquer du pop-corn.
KATCO exploite un site comprenant deux mines au sud du Kazakhstan : Muyunkum et Tortkuduk. Parce que la teneur en uranium des gisements est faible, la méthode de récupération ISR (In Situ Recovery) est mise en œuvre.
• En 2013, KATCO a produit 3.558 tonnes d’uranium auxquelles s’ajoutent 447 tonnes en cours de production au 31 décembre soit un total de 4.005 tonnes d’uranium. Ce nouveau record de production est le résultat d’un ambitieux programme "KATCO 4000" qui, lancé en 2009 par la société, visait à augmenter les capacités des infrastructures existantes..
- In-Situ Recovery (ISR) – Méthode d’exploitation pour extraire l’uranium des gisements de basse teneur où le minerai est dissout par l’injection d’une solution chimique au travers de puits. La solution ayant capté l’uranium est ensuite pompée jusqu’à la surface et envoyée vers l’usine de traitement.
Le consortium kazakhstanais Katko
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