Français du monde. Saint-Pierre-et-Miquelon se rapproche de la métropole
C’est une vraie révolution. Depuis cette semaine, l’archipel est pour la première fois accessible directement depuis Paris. Les habitants de ce petit territoire français du bout du monde attendaient cela depuis 10 ans.
Finies les 24 heures de voyage avec escale au Canada ! Depuis lundi dernier, le vol de Roissy-Charles-de-Gaulle vers l'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon ne dure plus que 6h30.
Même à 1 000 euros le billet, toutes les réservations pour cet été se sont arrachées en quelques heures. Un vol par semaine jusqu’à fin août. Pas plus de 100 passagers sinon l'avion ne redécolle pas de Saint-Pierre : la piste est trop courte ! De quoi rapprocher de la métropole ce petit confetti français perdu dans le grand Atlantique nord.
Saint-Pierre-et-Miquelon, c’est un caillou, comme l’appellent affectueusement ses 6 000 habitants
Un caillou de 242 km2, battu par les vents. Les premiers Français à s’y être installés sont les Acadiens, chassés du Canada par les Anglais il y a deux siècles et demi, c'était le "Grand Dérangement", parce qu’ils refusaient de faire allégeance à la couronne d’Angleterre.
Longtemps après, des descendants de Normands, de Bretons et de Basques les ont rejoints, attirés par la grande époque de la morue au cœur des bancs poissonneux de Terre-Neuve. Pêcheurs et armateurs, tous s’y sont ravitaillés, enrichis, reposés et mariés. Ils y sont restés, même si la baisse des quotas de pêche a coulé toute la filière industrielle.
Solidarité sans faille
Aujourd'hui, il ne subsiste qu'une petite activité côtière, artisanale ou expérimentale sur de nouvelles espèces comme les concombres de mer. Être né à Saint-Pierre-et-Miquelon, c'est appartenir à ces cultures mêlées. Grâce aux bourses, généreuses, de l’État français, beaucoup sont venus suivre leurs études en métropole.
Marc Cormier a ainsi passé quatre ans à Bordeaux. Il vit aujourd’hui à Toronto, la capitale économique de Canada, 2 000 km à l’ouest de Saint-Pierre.
"Quand on a grandi à Saint-Pierre, dit-il, on peut avoir le sentiment d’être à la marge de la France. Les Français qu’on côtoie sur l’île, ce sont des fonctionnaires catégorie A, des préfets, des énarques ou le chef du Trésor, pas le peuple au sens noble. Il y a quand même une relation colonisé / colon. L’éducation en métropole nous permet de prendre conscience de cette réalité."
Saint-Pierre-et-Miquelon, c'est un gros village. A force d'avoir traversé les naufrages, les drames et les crises économiques, les familles qui vivent ici sont d'une solidarité sans faille. Chaque année, invariablement, le territoire arrive en tête des promesses de dons par habitant au Téléthon. Il a collecté près de 86 000 euros en décembre dernier.
Forêt boréale
Avec la nouvelle ligne aérienne et deux nouveaux ferries qui relient les îles au Canada, Saint-Pierre-et-Miquelon rêve de se tourner vers le tourisme. Car le secteur est aujourd’hui inexistant, à peine 2% du PIB de l’archipel, alors que le potentiel est énorme. Paradis des randonneurs, des amoureux des grands espaces, on vient ici observer les phoques, les macareux moines, les pétrels, les pingouins, les rorquals ou les dauphins et les baleines au large.
On vient à Saint-Pierre chercher la tranquillité, le silence, et un petit bout de France, exotique pour les Canadiens ou les Américains tout proches. C'est aussi sur cet archipel battu par les vents que se trouve la seule forêt boréale de France. Le problème, c'est que la logistique est encore balbutiante : à part quelques auberges "bed & breakfast", il n’existe que deux hôtels principaux à Saint-Pierre, et une capacité de 132 chambres à louer !
Le salut pourrait venir des croisières, avec 16 escales prévues cette année, d'ici octobre. L'an dernier, 12 000 personnes ont découvert Saint-Pierre-et-Miquelon en arrivant par la mer, c'était déjà trois fois plus qu'en 2016.
Lui écrire : marcalbertcormier@gmail.com
Aller plus loin
Retrouvez cette chronique dans la Voix de France, le magazine de l'UFE (Union des Français de l'étranger)
Retrouvez cette chronique dans le Journal des Français à l'étranger
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