Les animaux face au sacré
"Je me suis demandé , dit Boris Cyrulnik à Marie-Odile Monchicourt, pourquoi toutes les cultures ont inventé des sacrifices d'animaux? La
réponse que je vous propose est que quand on arrive au monde, tout nous
fait peur et il faut apprendre à se sentir plus fort que la mort. En se soumettant à l'épreuve, on se prouve à soi-même qu'on a le
droit de vivre. C'est ce qu'on appelle l'ordalie...Les Grecs avaient l'ordalie du feu , de l'eau, à Rome il y avait les jeux du cirque , où des hommes devaient se montrer plus fort que les tigres.
"Au XXIe siècle, on a la télévision , explique Boris Cyrulnik, où
on voit des animaux effrayants et des hommes effrayés qui triomphent
quand même des animaux. Finalement cette mise en jeu, c'est le triomphe
de la mort, c'est pour ça qu'il y a une immolation du vivant, nous
devons nous prouver nous, êtres humains, que nous sommes de nature
surnaturelle. Dieu nous a donnés le pouvoir de dominer la nature et les
animaux".
Ce théâtre de la mort est mis en scène depuis Mithra, explique l'éthologue et psychanalyste, et même avant. "On
prend une brute, de préférence un taureau, qui est l'image de la brute,
et en face on lui oppose un homme, mince, gracieux, avec un chignon, un
petit chapeau, avec des ballerines, il excite le taureau, le fait
entrer dans une robe, dans un mouvement qu'on appelle "la véronique" de
l'espagnol veronica, et finalement, après avoir érotisé le taureau, il
lui donne la mort en le pénétrant de plusieurs coups d'épée. Tout le
monde applaudit..."
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"Il n'y a pas d'explication possible sur ce théâtre de la mort, conclue Boris Cyrulnik,
d'un côté des gens voient un bel animal innocent charcuté par un homme
dans un plaisir sadique, et d'autres voient la mise en scène d'un acte
sacré, d'une ordalie, où un homme mince et efféminé triomphe d'une
brute, c'est-à-dire qu'on est en pleine transcendance...Comment
voulez-vous que ces deux parties s'entendent?" *
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