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Histoires d'Info. Festival Nyansapo : mais que fait Rosa Parks dans ce débat ?

Ces derniers jours, on parle beaucoup du festival afroféministe Nyansapo organisé l'été prochain à Paris. A cette occasion, la figure de Rosa Parks a été mentionnée. Est-ce vraiment approprié ?

Article rédigé par franceinfo, Thomas Snégaroff
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Photo de Rosa Parks, lors de son arrestation en 1955 à Montgomery (USA). (ANN RONAN PICTURE LIBRARY / ANN RONAN PICTURE LIBRARY)

Ces derniers jours, on parle beaucoup du festival afroféministe Nyansapo organisé à Paris du 28 au 30 juillet prochain à la Générale, une salle de l'Est de la capitale. Cet événement s'organise en plusieurs espaces de discussion dont certains seront exclusivement réservés aux Noirs ou aux femmes noires. La LICRA, Ligue Internationale Contre le Racisme et l’Antisémitisme, très critique, a twitté :  "Rosa Parks doit se retourner dans sa tombe." Mais pourquoi la LICRA brandit-elle la figure de Rosa Parks ?

Rosa Parks, une figure symbolique

Rappelons d'abord, pour le grand public, que Rosa Parks est une femme noire qui refusa de céder sa place à un blanc dans un bus ségrégué de Montgomery dans l'Alabama, le 1er décembre 1955. Cette histoire verra l'émergence d'un jeune pasteur encore peu connu, un certain Martin Luther King, qui organisera un vaste mouvement de lutte et un boycott par les Noirs des bus de la ville.

Quarante ans plus tard, en 1995, voici ce que Rosa Parks déclare sur la chaîne américaine d'information continue CNN :  "En fait, pendant les manifestations, nous avions beaucoup de Blancs avec nous et ils ont beaucoup souffert. J'avais le sentiment et d'ailleurs Martin Luther King le disait lui-même, que ce n'était pas un problème entre les Blancs et les Noirs mais entre le Bien et le Mal." Rosa Parks est aux yeux de tous une figure bienveillante qui rassure les Blancs car elle leur offre la possibilité d'être du côté du Bien. Et c'est vrai qu'historiquement, Parks fait partie d'un mouvement politique qui souhaitait inclure les Blancs et qui prônait la lutte par la désobéissance civile et la non-violence.

Quels parallèles avec le festival de Paris ?

A l'époque, aux Etats-Unis, la question de la non-mixité raciale était déjà présente comme elle l'est dans le cas actuel du festival Nyansapo. Ce débat, on le retrouvait au sein même de la communauté africaine-américaine dans les années 1960. En 1966, la Southern Christian Leadership Conference (SCLC), mouvement dirigé par Martin Luther King, accuse publiquement des étudiants militants de l'Alabama de "racisme inversé" pour avoir prôné un mouvement exclusivement noir. La SCLC craignait ici que les Blancs modérés se montrent hostiles et s'éloignent d'un mouvement radicalisé et qu'ainsi, ils ne pourraient atteindre leurs objectifs.

Les enjeux sont éminement moindres et les discriminations sans commune mesure avec ce qu'elles étaient dans les années 1950 aux Etats-Unis. D'un côté, les associations telles que la LICRA ou SOS Racisme estiment que ce festival est : "une faute – sinon une abomination – car il se complaît dans la séparation ethnique" avec le risque que  "le combat antiraciste [devienne] l'alibi d'un repli identitaire." De l'autre, les organisateurs n'ont jamais prétendu étendre la non-mixité à l'échelle de la société ou pour un temps indéfini. Ils estiment que la non-mixité, dans le cadre restreint de manifestations comme ce festival, contribue à l'auto-émancipation. Elle permettrait de se réapprorier son identité, de "parler de son vécu, de ses doutes, de ses espoirs, de ses rancœurs, avec des personnes qui ont des expériences similaires." Autrement dit, de parler plus librement sans se sentir oppressé. Chacun se fera son avis en fonction de ses principes.

Reste une question : Rosa Parks aurait-elle, comme le suggère la LICRA, critiqué la non-mixité du festival Nyansapo ? Il est toujours délicat de faire parler les morts. On peut penser que Rosa Parks,  qui travailla beaucoup avec les femmes noires victimes de violences sexuelles bien avant l’histoire du bus, n’aurait probablement pas été choquée de voir des femmes noires discuter entre elles de leurs problèmes, en tout cas aux Etats-Unis et dans les années 1950.

>> Pour en savoir plus : Caroline Rolland-Diamond, Black America : Une histoire des luttres pour l'égalité et la justice. 

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