Histoires d'info. Il y a 70 ans, la France abandonnait le prélèvement de l'impôt à la source
Le gouvernement français a confirmé la mise en place prochaine du prélèvement à la source. Cette retenue de l'impôt sur les salaires n'est pas une première en France.
C’est la fin d’une longue histoire. Depuis mardi 4 septembre, on a beaucoup dit que le prélèvement à la source était une première en France. C'est oublier un peu vite qu'entre le 1er janvier 1940 et le 1er janvier 1949, le prélèvement à la source a été une réalité en France. Cela s'appelait le "stoppage à la source", il avait été mis en en novembre 1939.
"Le stoppage à la source" avait été institué parce qu'il fallait financer l''effort de guerre. Et puis l’impôt était récent – il datait de 1914 – et l’administration fiscale n’était pas très efficace. Il permettait aussi de généraliser un impôt payé par seulement 15% des foyers fiscaux avant sa mise en place. Il fallait donc trouver une solution d'urgence, dans un contexte de besoin lié à la guerre.
En 1948, on a mis un terme au stoppage à la source pour plusieurs raisons. D'abord, parce qu'il s'agissait d'une mesure qui était liée au régime de Vichy, même si votée quelques mois avant . Ensuite, parce qu’à l’époque, l’État se consolidait, il était omniprésent dans l’économie, et il pensait être en mesure de prélever l’impôt. Et puis la déclaration d'impôt relevait à l'époque d'une dimension presque philosophique, elle était quasiment perçue comme une déclaration d'amour à la patrie. C'est un geste symbolique fort. Enfin, puisque deux tiers des actifs étaient salariés au début des années 1950, l'impôt sur le revenu permettait de prélever l'impôt de tous les Français de la même manière.
Quand VGE brandissait l'exemple soviétique
Malgré cette disparition en 1949, on va souvent avoir envie d'y revenir. Il était quand même plus simple et plus efficace de prélever à la source, surtout avec le triomphe du salariat. À partir du début des années 1960, les trois quarts des Français sont salariés et cette donnée progresse sans cesse. Mais de nombreuses tentatives de retour du prélèvement à la source ont échoué.
En 1973, un jeune énarque, centriste, ministre des Finances, défend cette mesure, qui permettrait de rompre avec "une fiscalité extrêmement démodée". Il s'agit de Valéry Giscard d'Estaing. "Tous les pays modernes sans exception, même l'Union soviétique, pratiquent la retenue à la source. Je suis persuadé que quand ce système sera clairement expliqué aux Français, ils seront en très large majorité favorable à ce dispositif."
Selon Valéry Giscard d'Estaing, c'était donc une mesure de bon sens. Et pourtant, quelques mois plus tard, le parlement a enterré ce projet, notamment parce que l’administration fiscale s’y est opposé craignant pour l'avenir des milliers de salariés préposés aux déclarations d'impôt. Autre raison de cet abandon : la crainte, déjà, de l'effet psychologique sur la consommation, au moment précis où la crise pétrolière (et bientôt la crise tout court) venait casser les Trente glorieuses, dont le moteur était précisément la consommation.
C’est d’ailleurs cet argument qui a failli tuer l’impôt dans les jours qui ont précédé l’annonce d’Edouard Philippe mardi 4 septembre. 70 ans après sa disparition, le prélèvement à la source est donc de retour en France.
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