Cet article date de plus de sept ans.

Histoires d'Info. Le Front national et les chambres à gaz : le retour des vieux démons

L'affaire Jean-François Jalkh est un nouvel élément à ajouter à la longue liste des polémiques historiques du Front national. Un passé trouble que Marine Le Pen s'était appliquée à gommer depuis son accession à la présidence du parti mais qui resurgit pourtant de manière répétée.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Jean-Marie Le Pen, fondateur du Front national, en meeting à Palavas-les-Flots (Hérault). (PASCAL GUYOT / AFP)

L'éviction de Jean-François Jalkh de la présidence par intérim du Front national a fait remonter à la surface les vieux démons du parti. En 1991, Jean-François Jalkh a participé au quarantième anniversaire de la mort du maréchal Pétain. Et en 2000, il avait jugé "impossible" d'utiliser le gaz Zyklon B dans des "exterminations de masse", comme dans les camps d'extermination nazis

Ces vieux démons, Marine Le Pen aurait bien aimé faire disparaître à jamais, elle qui, en février 2011, quinze jours après son élection à la tête du Front national, avait déclaré : "Tout le monde sait ce qui s’est passé dans les camps et dans quelles conditions. Ce qui s’y est passé est le summum de la barbarie et croyez-moi, cette barbarie, je l’ai bien en mémoire."

Derrière le "détail", le révisionnisme historique

Il s’agissait alors pour Marine Le Pen de rompre avec une histoire du Front national, celui des origines, celui de son père, qui reprenait comme emblème la flamme du fascisme italien. Et comment ne pas penser ici aux aux propos tenus par Jean-Marie Le Pen, le 13 septembre 1987, au Grand Jury RTL-Le Monde ? Il parle de la Shoah comme d'un "détail" de la Seconde Guerre mondiale.

Jean-Marie Le Pen : La question qui a été posée est de savoir comment ces gens ont été tués ou non, n'est-ce pas ?

Le journaliste : Ça n'est pas un point de détail quand même...

Jean-Marie Le Pen : Si c'est un point de détail, je veux dire, de la guerre, oui... Enfin écoutez. Voulez-vous me dire que c'est une vérité révélée à laquelle tout le monde doit croire ? C'est une obligation morale ? Je dis qu'il y a des historiens qui débattent de ces questions...

Mais vous-même, M. Le Pen, est-ce que vous considérez qu'il y a eu un génocide juif, par le biais des chambres à gaz, ou pas ?

Jean-Marie Le Pen : Il y a eu beaucoup de morts, beaucoup de centaines de milliers, peut-être des millions de morts juifs, et aussi de gens qui n'étaient pas Juifs.

Les propos de Jean-Marie Le Pen font alors scandale, parce que derrière le "détail", il y a le révisionnisme historique. L'objectif était aussi d'évoquer les crimes commis notamment par les Soviétiques.

Ne nous y trompons pas : historiquement, le révisionnisme historique au sujet de la Shoah est aussi ancien que le FN lui-même. François Duprat, numéro deux officieux du parti de 1974 à sa mort en 1978, incarnait le courant "nationaliste révolutionnaire", un néo-fascisme, et introduisit en France des livres négationnistes publiés en Allemagne ou aux Etats-Unis. Il avait écrit lui-même, en 1967, un article au titre éloquent : "Le mystère des chambres à gaz". Au-delà, et avant les propos de Le Pen sur le "détail", les revues du parti n’hésitaient pas à instiller le doute sur l’ampleur de la Shoah, en s’appuyant sur des auteurs révisionnistes.

Bruno Gollnisch et les jugements "révisés" des historiens

La polémique après les propos de Jean-Marie Le Pen n'est pas la dernière concernant des propos révisionnistes au sein du FN. Non seulement Le Pen répètera des propos similaires en 1997, en 2008 et en 2009. Mais un autre éminent cadre du parti, Bruno Gollnisch sera lui aussi pris dans un scandale de même nature. C’était en octobre 2004, le numéro deux du FN, s’interroge sur l’ampleur de la Shoah, se retranchant derrière des débats entre historiens qui seraient non tranchés :

Un journaliste : On peut remettre en cause l'existence des chambres à gaz ?

Bruno Gollnisch : On doit pouvoir débattre de l'Histoire. J'ai déclaré que je n'étais pas spécialiste de ces questions, que je m'en remettais au jugement des spécialistes pourvu que le débat soit libre. Et justement, ils révisent leur jugement, les historiens.

Bruno Gollnisch sera condamné en première instance pour contestation de crime contre l’humanité mais finalement, en 2009, la Cour de cassation annulera cette condamnation en raison de ses propos flous et contradictoires. Gollnisch n’est pas que l’incarnation du vieux Front national, il fait également partie du conseil stratégique de la campagne actuelle de Marine Le Pen. Décidément, avec l’affaire Jalkh et comme le disait le grand historien Henry Rousso, il y a des passés qui ne passent pas.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.