Histoires d'info. Les deux féminismes et le corps des femmes
On assiste par presse interposée à des règlements de compte entre celles qui accusent les hommes d'agressions sexuelles et celles qui prennent, en quelque sorte, leur défense. Thomas Snégaroff a plongé dans les archives pour nous dire que ce combat existe depuis longtemps.
C’est une volée de bois vert qui est venue frapper les signataires de la tribune publiée mardi 9 janvier dans le Monde. Des critiques très dures contre des femmes qualifiées de "rétrogrades", "alliées objectives des porcs", des femmes qui auraient, selon les propos de la cinéaste et comédienne italienne Asia Argento, intériorisé la misogynie. Des femmes signataires de la tribune du Monde qui refusent une vision qu’elles qualifient de puritaine des relations entre les hommes et les femmes, cantonnées à un rôle de victime.
Une vision dominante il y a vingt ans
Si cette vision est aujourd’hui critiquée, elle était absolument dominante il y a encore une vingtaine d’années. On entendait ainsi Mona Ozouf la défendre en décembre 1995 sur France 3 : "La séduction en France n'est pas interprétée comme une menace sur les femmes, ni comme une menace physique, ni comme une menace morale. Ce qui est très frappant aux Etats Unis c'est de voir que l'on réclame pour les femmes des espaces protégés où il n'y aurait pas la plus petite plaisanterie, le plus petit quolibet, le plus petit sifflet dans la rue parce que ça pourrait fragiliser, ébranler. On présente les femmes comme des créatures totalement fragiles qui doivent vivre dans un monde aseptisé et curieusement cela rejoint l'image le plus conventionnelle des femmes. Celle contre laquelle les féministes françaises se sont battues."
Une arme contre la domination masculine
Un féminisme français qui se serait construit contre un féminisme américain, un féminisme victimaire selon Mona Ozouf ou encore Gisele Halimi présente également lors de cette émission. Et pour ces femmes, leurs corps n’est pas à défendre parce qu'il n'est pas vulnérable en soi, mais au contraire, une arme contre la domination masculine. Ce qui d’ailleurs peut permettre de comprendre leur combat contre le voile ou la burqa, qui sort la femme de ce jeu de séduction dont elle peut sortir gagnante.
Une idée très ancienne
On la retrouve dès le Ve siècle avant JC sous la plume de l’immense Aristophane, l’un des plus grands dramaturges et l’un des premiers féministes pour qui la cité aurait tout à gagner à mener les femmes au pouvoir. Et pour cela, leur corps est une arme de séduction massive. Lysistrata a une idée géniale pour imposer aux hommes de faire la paix :
Lysistrata : "O femmes ! si nous voulons forcer les hommes à faire la paix, il faut nous abstenir."
Myrrhine : "Si, ce qu'à Dieu ne plaise, nous nous abstenions rigoureusement de ce que tu dis, en aurions-nous plus tôt la paix ?"
Lysistrata : "Beaucoup plus tôt, par les déesses ! Si nous nous tenions chez nous, bien fardées, bien épilées, sans autre vêtement qu'une tunique fine et transparente, quelle impression feraient nos attraits ? Et si alors nous résistions aux instances des hommes, ils feraient bientôt la paix, j'en suis certaine."
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