Histoires d'Info. Tulle, Oradour-sur-Glane : deux plaies dans la mémoire nationale
Aujourd'hui, François Hollande est à Tulle et demain, Emmanuel Macron sera à Oradour-sur-Glane. Deux hommages présidentiels aux massacres de 1944 qui ont une signification bien plus profonde qu'une simple commémoration.
Ces 9 et 10 juin, deux présidents français se rendent dans le Limousin. Vendredi, François Hollande est à Tulle et samedi, Emmanuel Macron est à Oradour-sur-Glane. Ils seront présents pour rendre hommage aux victimes civiles des massacres perpétrés par la division Das Reich en 1944.
Revenons d'abord sur ce qui s'est passé il y a soixante-treize ans. Le contexte est capital. Trois jours plutôt, le 6 juin 1944, les Alliés ont débarqué en Normandie et un vent de panique traverse les troupes d'occupation allemandes. La division SS Das Reich est stationnée dans le Sud-Ouest de la France et reçoit l'ordre de remonter vers la Normandie.
Dans le Limousin, les maquisards multiplient les attaques contre l'occupant depuis plusieurs jours et à Tulle, une des garnisons allemandes est prise sous leur feu. Le 9 juin, arrivé dans la région, un détachement de la Das Reich met en fuite les maquisards et, en représailles, reçoit l'ordre de punir la population. Présent ce jour-là, l'abbé Jean Espinasse se souvient, dans une archive de 1973 : "Et comme dans l'Evangile, il y avait le trottoir de droite et le trottoir de gauche. Ceux qui étaient à droite, c'était ceux qui en principe devaient survivre. Et ceux qui étaient sur ce trottoir, à gauche, c'était ceux qui étaient condamnés." Il y aura 99 pendus, 17 fusillés et 149 déportés dont 101 ne reviendront jamais.
Le lendemain, continuant leur remontée vers le Nord, des éléments de la Das Reich perpètreront un autre massacre à Oradour-sur-Glane, 642 morts pour l'exemple. Le but de ces exécutions de masse est d'isoler les maquisards en terrorisant la population. C'est dans ce contexte terrible que se place également le fameux film Le Vieux Fusil, avec Philippe Noiret et Romy Schneider.
Une plaie mémorielle
Dans la mémoire collective, Oradour-sur-Glane est un symbole récurrent de la barbarie nazie, tandis que Tulle est passé sous silence, souvent absent des manuels scolaires. Ce sont deux mémoires différentes. Oradour, c'est un déchaînement de violence gratuite qui frappe toute une population. Tulle a davantage fait débat puisque la population a eu le sentiment que les marquisards avaient provoqué les Allemands, en attaquant la garnison de la ville avant de se retirer et de laisser les habitants livrés à eux-mêmes et à l'appétit de revanche de l'ennemi.
Cependant, dans les deux cas, il s'agit d'une plaie mémorielle qui est loin d'être cicatrisée. Si certaines condamnations sont prononcées, beaucoup des responsables de ces massacres ont été faiblement voire jamais condamnés. Le président de la République Vincent Auriol ira jusqu'à grâcier certains condamnés de Tulle. A cette époque, on cherche à tourner la page sur ces épisodes tragiques. C'est dans cet esprit que la loi d'amnistie de février 1953 sera votée, une loi "en faveur des Français incorporés de force dans les formations militaires ennemies" qui visait tout particulièrement les Malgré-nous, ces Français d'Alsace-Moselle incorporés dans l'armée allemande à partir de 1942. A la différence de la grâce qui conserve la responsabilité pénale, l'amnistie efface les faits et rend impossible toute poursuite à l'encontre des personnes concernées. On peut comprendre dans ces conditions le sentiment des populations locales et l'impossibilité de refermer cette plaie.
Plus qu'une commémoration
Longtemps, Tulle et Oradour ne pardonneront pas et les représentants de l'Etat ne seront pas bien accueillis. En 1962, le général de Gaulle se contente d'une simple visite à Oradour sans s'engager en faveur de la poursuite des responsables. Pompidou et Giscard ne s'y rendront pas. Mitterrand y fera profil bas en 1982, n'oubliant pas qu'il vota la loi d'amnistie de 1953, avant de revenir commémorer les cinquante ans du massacre à la fin de son deuxième septennat. En 1999, Chirac fera un geste symbolique en venant accompagné de la ministre de la Culture Catherine Trautmann, Alsacienne, pour avancer dans le sens de la réconciliation. Une réconciliation encore incertaine tant le thème des Malgré-nous reste sensible aujourd'hui.
Dans ces conditions, la double visite de François Hollande à Tulle et d'Emmanuel Macron à Oradour-sur-Glane revêt une signification plus profonde qu'une simple commémoration.
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