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La fessée, de "l'outil pédagogique" à l'interdiction

La France est à partir d’aujourd’hui le 56ème pays du monde à interdire la fessée. Dans le Code civil, on pourra désormais lire que l’autorité parentale "s’exerce sans violences physiques ou psychologiques". C’est une évolution historique majeure.

Article rédigé par franceinfo, Thomas Snégaroff
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Selon la Fondation pour l'enfance, 85% des parents français ont déjà eu recours à des violences éducatives. (LOIC VENANCE / AFP)

On peut sourire en parlant de la fin de la fessée, mais c'est pourtant l’aboutissement d’une évolution des mentalités qui s’est nettement accélérée depuis quelques décennies. On part de très loin. Deux exemples : à Rome, le père avait droit de vie et de mort sur ses enfants, et bien plus tard, et plus près de nous, dans le Code Civil de 1804, le père a le droit de faire enfermer ses enfants en prison.

Dans ces conditions, la fessée, et à travers elle, la violence physique exercée par les parents, a longtemps été considérée comme un aspect de l’éducation bien moins dur pour les enfants et même efficace. La fessée, c’est pour leur bien. Pour l’esprit, mais aussi pour le corps.

Chacun sait que la fessée est un excellent exercice circulatoire !

Archive radio de 1951

Dans les années 1950, pas de débat sur la fessée. Et si dans les années 1960, on demande souvent aux enfants à la télévision s’ils aiment ou pas la fessée, il n’est jamais question d’une remise en cause de cet "outil pédagogique". Ni d’ailleurs de son instrument le plus douloureux, le martinet, objet d’un sujet du journal télévisé de 20 h de l’ORTF en août 1969. Une femme qui les produit chez elle explique au journaliste ce qu’est un bon martinet : "C'est un bon manche en bois, bien solide, auquel on ajoute des belles lanières assez longues qui épousent la forme des petites fesses. Et pof..."

Changement de ton dans les années 70

La décennie 1970 marque un tournant dans les pratiques éducatives. On l’a vu hier ensemble avec la crise des internats. Cela concerne aussi les fessées. Dans les années 1970, en effet, net changement de ton sur cette question sensible. Ainsi le 10 mars 1971, la mythique émission Aujourd’hui madame, diffusée chaque après-midi sur la 2ème chaîne de l’ORTF, est consacrée à la fessée avec un débat autour d’une question simple : "Etes-vous pour ou contre la fessée ?" 

Cette question, elle devient particulièrement sensible à la fin de cette décennie, en 1979, quand un pays européen, la Suède, interdit la fessée. C'est une première mondiale. Cela va donner du souffle aux opposants à la fessée, toutefois, ils mettront du temps à l’emporter,  car la fessée est à ce point enracinée dans un cadre domestique et familial que l’interdire semble empiéter sur l’autorité parentale. Même Françoise Dolto peut comprendre les parents qui frappent leurs enfants, sous le coup de la colère. Elle est au micro de Jean-Louis Servan-Schreiber en 1979 :

"Ecoutez, je connais des enfants qui sont beaucoup plus agressés en paroles que par une taloche de leurs parents, qui passe comme ça et puis c'est fini. Ils sont à bout de nerfs. Et être à bout de nerfs, et ne pas pouvoir se maîtriser c'est dommage. Mais on peut dire à l'enfant après : 'Je n'aurais pas dû te donner une paire de claques'".

40 ans plus tard, ces pères et ces mères devront maîtriser leurs nerfs et apprendre à parler à leurs enfants avant la fessée, désormais interdite.

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