Colère des agriculteurs : sept mois après, l'instigateur du blocage de l'A64 revient sur ce mouvement qui a embrasé le monde agricole en janvier 2024

En janvier, Jérôme Bayle, un éleveur des Pyrénées, était à l'origine d'un blocage de l'A64, avec des tracteurs et des bottes de paille. Ce fils d'un agriculteur s'étant donné la mort en 2015 se lançait dans un mouvement spontané, qui a pris une ampleur insoupçonnée.
Article rédigé par Sandrine Etoa-Andegue
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Jérôme Bayle, lors du blocage de l'A64, le 22 janvier 2024. (LAURENT DARD / MAXPPP)

Le 18 janvier 2024, un barrage de plusieurs dizaines de tracteurs et de bottes de paille bloque l'autoroute A64 à hauteur de Carbonne, en Haute Garonne. Défiant son syndicat FDSEA, Jérôme Bayle, l'éleveur à l'origine de cette contestation inédite, n'était entouré que de quelques amis. "Seule une balle dans la tête m'empêcherait d'entrer en tracteur sur l'autoroute, on n'a plus rien à perdre", affirmait-il alors que ses compagnons installaient des mannequins pendus à un pont pour rappeler le taux de suicide inquiétant dans la profession.

Trois revendications fortes

En 2015, après le suicide de son père Jérôme Bayle avait repris l'exploitation familiale aux pieds des Pyrénnées. Quand il décide de bloquer l'autoroute entre Toulouse à Bayonne, l'ancien capitaine de rugby prévient que les tracteurs ne partiront que lorsque trois revendications seront satisfaites : le remboursement des frais pour la MHE, la maladie qui s'attaque aux troupeaux, l'abandon de la taxe sur le gazole non routier, et la construction de retenues d'eau ou de barrages.

Ces vœux sont exaucés une dizaine de jours après, à la suite d'une visite du Premier ministre Gabriel Attal. Jérôme Bayle tient alors parole en retirant ses tracteurs, et le voilà aussitôt accusé d'avoir arrêté le mouvement trop tôt, d'avoir trahi la cause, entre autres par des personnalités politiques de tous bords. C'est tout le contraire, se défend sept mois plus tard le nouveau porte-voix des agriculteurs, qui assure avoir été surpris par l'ampleur de sa médiatisation : "Ce n'était pas prévu, assure-t-il. Quand on arrive à faire jusqu'à 50 interviews par jour, le but est de parler du monde agricole... J'aurais au moins eu la fierté de faire une page entière dans le New York Times !"

"On pensait que 48 heures après, on aurait des escadrons de CRS partout, qu'on nous mettrait dehors et que l'histoire serait finie. Au final, ça s'est révélé un mouvement qui a pris une ampleur nationale."

Jerôme Bayle, éleveur.

à franceinfo

Pour lui, la cause agricole n'avait pas eu autant de lumière depuis José Bové. Il ne se considère pas le porte-parole des agriculteurs français, mais a seulement voulu exprimer "les problèmes de la base du monde agricole avec des mots simples, que tout le monde puisse comprendre", dit-il. Quant aux critiques et aux accusations de compromission, il répond simplement qu'il est un homme de parole, que ce soit avec les compagnons ou le Premier ministre, avec qui il estime avoir eu un discours "franc et honnête". Et si Gabriel Attal s'est servi de lui pour redorer son blason, comme on a pu l'entendre à l'époque, Jérôme Bayle rétorque que ça a tout de même "profité à la cause agricole" : "Il ne faut pas oublier qu'un plan d'orientation agricole a été mis en place, qui n'existait pas."

Aujourd'hui, l'éleveur estime que le mouvement est parvenu à "inverser la courbe" et à "recréer un lien qui n'existait plus dans le métier". Même si le combat doit être continué, ajoute-t-il, notamment au niveau des revenus. Sans révéler lesquels, Jerôme Bayle confie avoir été approché par plusieurs partis pour se présenter aux Européennes, mais pas par le parti d'Emmanuel Macron.

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