Ils ont fait l'actu : Alexandre Couillon, seul nouveau chef triplement étoilé au guide Michelin 2023
Le 6 mars 2023, Alexandre Couillon, 47 ans, reçoit une troisième étoile du guide Michelin lors d'une cérémonie à Strasbourg. C’est le seul chef de l’édition 2023 à être promu à la plus haute distinction du guide. "C'est notre étoile", a réagi le chef du restaurant La Marine sur l'île de Noirmoutier, en parlant de sa femme Céline, qui officie en salle et l'accompagnait sur la scène du Palais des Congrès de Strasbourg. Une première. "On est heureux" dit-il au moment de recevoir son prix, "nous allons continuer de progresser, bien sûr, parce que rien n'est acquis, mais c'est vraiment un travail accompli au fil des années, avec des moments très hauts, des moments très bas. Mais toujours croire en cette franchise, dans cette cuisine sincère et du quotidien", déclare Alexandre Couillon.
Avant la reconnaissance de ces dernières années, il y a eu des débuts difficiles pour le couple qui a repris le restaurant familial et saisonnier La Marine en 1999. Un soir d'été, il y a eu zéro client, se souvient Alexandre Couillon. Et puis il y a ces plaisantins qui se prennent en photo devant l'établissement en pouffant de rire à cause de son nom. Sa femme et lui ont songé à tout arrêter parce que ce n'était pas rentable, quand, en 2006 ils ont entendu à la radio que leur table venait de décrocher une étoile au guide Michelin. Un honneur inattendu, inespéré et surtout un encouragement à continuer. Le couple s'accroche, se réinvente, propose aujourd'hui une cuisine gastronomique à partir des produits de la mer, "sincère et éclatante", selon les mots du patron du guide. Il faut désormais des mois d'attente pour réserver une table chez Alexandre Couillon, qui savoure ce succès avec humilité.
Amoureux de l'Île de Noirmoutier
À l’annonce de la troisième étoile qui était "une surprise, assure Alexandre Couillon, on n'y croit pas, on est remplis d'émotions et en fin de compte, on retrace notre parcours d'un couple qui s'est installé avec deux gamins et qui se dit, 'un jour on espère que'..." Alexandre Couillon se souvient encore : "À l’époque on ouvrait un restaurant en février, on le fermait en fin d'année et on se disait toujours, l'année prochaine, on fera mieux. Mais qu'est-ce qu'on pourrait faire de mieux ? Le couple décide de tout changer, pour se consacrer à une cuisine locale marine et végétale, avec des artisans de proximité. Concrètement, "tous les poissons proviennent de cette criée, juste en face de nous, à 50 mètres. On s'interdit les autres criées de la côte atlantique. Pour les légumes aujourd'hui, on a cette chance d'avoir deux personnes qui gèrent notre potager d’un peu plus de 4 000 mètres carrés. Aujourd'hui, on est entre 60 et 80 % de légumes suivant les saisons, suivant les conditions climatiques. Bien sûr, tout en culture raisonnée, sans aucun traitement. Alors on arrive à une dizaine de plats dans le menu aujourd'hui ne sont qu’à partir de produits locaux", confie Alexandre Couillon.
La genèse de tout ça c’est son grand-père qui lui a donné le goût du luxe simple. Le chef étoilé se souvient encore, "il portait le même patronyme que moi, Alexandre Couillon, et j'en suis très fier aujourd'hui, même si c'est un nom de famille qui n'est pas évident à porter en France. À l'étranger, ça passe super bien, personne ne se rattache à ça. Et en fin de compte, je revois encore mon grand-père soulever ses filets. Il était 'marin-patate', c'est-à-dire qu'il faisait la pêche et ensuite il avait de la culture de la pomme de terre. Et je le revois encore revenir avec son filet sous le bras, avec quelques poissons, deux ou trois maquereaux, un rouget, deux ou trois mulets, et je le vois les gratter et les emmener dans la cuisine. Et je revois ma grand-mère, qui n'était pas une grande cuisinière, simplement les prendre, déposer un bon morceau de beurre dans une poêle, les déposer dessus, ajouter de la crème, deux ou trois pommes de terre juste cuites à l'eau. Et en fin de compte, on revenait à des choses simples, mais qu'on avait sous nos pieds. Toute cette enfance remonte à la surface"... et se sent dans sa cuisine.
"Couillon", un nom difficile à porter
Plus que jamais celui ne changerait son patronyme "pour rien au monde" termine par une anecdote qui lui a "arraché beaucoup d’émotions, mais pas des bonnes" au cours de la cérémonie du Michelin à Strasbourg : "Un monsieur vient me voir lors de la soirée et qui me dit 'je suis venu chez vous il y a quelques années et j'ai fait un reportage sur la pomme de terre. Vous aviez juste un restaurant, vous n'aviez pas d'étoiles, c'était vraiment exceptionnel. Je vous ai trouvé super sympathique et quand je suis rentré, j'ai vu ma rédactrice et je lui ai dit, tu sais, il faut absolument qu'on fasse ce papier sur ce jeune chef. Ah ouais, c'est génial, mais c'est super ce qu'il fait. Comment s'appelle-t-il ? Alexandre Couillon. Jamais on mettra un nom de famille comme ça sur ma couvertures de magazine !' Et aujourd'hui, ce monsieur a fait une vidéo où il demande à cette dame : Qu'est-ce qu'on fait aujourd'hui parce que ce jeune Couillon vient d'avoir trois étoiles ? Est-ce que cette année on le met en couverture de notre magazine ?"
Alexandre Couillon, l'enfant de Noirmoutier est né à Dakar, au Sénégal, en 1975. Il en est parti à l'âge de sept ans. Son père pêchait la crevette sur les côtes. Son rêve serait de pouvoir y ouvrir bientôt un centre de formation pour transmettre son savoir et sa passion aux jeunes de ce pays dont, dit-il, "la politesse, la dynamique et l'énergie" infusent aussi la cuisine qu'il pratique sur son île vendéenne.
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