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Ils ont fait l'actu. Claire Thoury, spécialiste des questions d'engagement, est missionnée pour mener les débats sur la question de la fin de vie

Sandrine Etoa-Andegue revient sur les événements marquants de l'année. Et ce sont ceux qui les ont vécus vous les racontent. Le 2 avril 2023, une convention lancée par Emmanuel Macron et présidée par Claire Thoury, docteure en sociologie, se prononce en faveur de l'aide active à mourir.
Article rédigé par Sandrine Etoa-Andegue
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6min
Claire Thoury, docteure en sociologie (SANDRINE ETOA-ANDEGUE / RADIOFRANCE)

Le 9 décembre 2022, sur initiative d'Emmanuel Macron, la convention citoyenne sur la fin de vie est lancée. Neuf week-ends de débats au cours desquels 184 personnes tirées au sort et représentatives de la société doivent se prononcer sur la possibilité de faire évoluer la loi sur la question. Euthanasie, suicide assisté ? La chef d'orchestre de cette réflexion collective s'appelle Claire Thoury, elle a 34 ans. Elle est membre du Conseil économique, social et environnemental (CESE) et organise cette convention.

Cette docteure en sociologie spécialiste des questions d'engagement, des jeunes notamment, a été choisie pour son expérience du collectif. Elle rappelle que l'objectif était de répondre à une question qui avait été rédigée par la Première ministre, dont l'intitulé était : "Le cadre d'accompagnement de la fin de vie est-il adapté aux différentes situations rencontrées ou d'éventuels changements devraient-ils être introduits ?"

Après quatre mois de débats, le 2 avril 2023, au bout de sessions de travail intenses, avec auditions de chercheurs, de soignants, de religieux, la convention a rendu son rapport et s'est prononcée à plus de 75% en faveur d'une aide active à mourir sous conditions. C'était sans surprise car des sondages intermédiaires montraient qu'une majorité de Français y était plutôt favorable.

"Une aventure vraiment épuisante"

Très applaudie le dernier jour pour la qualité des échanges sur un sujet aussi délicat, Claire Thoury se souvient de "frissons" et de la fierté du devoir accompli. "Ma plus grande réussite, c'est vraiment d'avoir créé ce lien de confiance avec 184 personnes. C'est une aventure vraiment épuisante. Franchement, c'est un rythme dingue. En fait, je crois que je n'ai pas très bien réalisé dans quoi je m'embarquais quand j'ai dit oui. Et c'est ça qui m'a sauvée et qui m'a permis de dormir assez bien. Je vous avoue qu'il y a eu deux ou trois fois où j'ai eu quelques sueurs froides."

Il y a eu des moments de doutes ou de tensions, comme lorsque le Figaro a publié un article parlant de "malaise et soupçons de manipulation à la convention citoyenne". "Et là on s'est dit : qu'est-ce qu'on fait ?", se souvient-elle. Les débats de ce jour-là se sont exceptionnellement tenus à huis clos, pour, dit-elle, discuter entre citoyens "le temps qu'il faut et crever l'abcès". La discussion a été un grand moment d'échange. "En fait, tout ce qui a été raconté était basé sur quelque chose de faux", affirme-t-elle. Elle ajoute : "Que des erreurs aient pu être commises, c'est certain. Manipulation, ça, je le conteste. [...] Ensuite, je trouve que c'est un peu facile, souvent on critique la forme pour critiquer le fond". D'autres critiques ont été émises sur le temps de parole moins important accordé à celles et ceux qui étaient contre l'aide active à mourir. Des accusations qu'elle balaie aussi.

La légitimité de débattre entre citoyens

Ces quatre mois ont permis de constater que, même si le débat était installé, des notions restaient floues pour beaucoup de Français. "Suicide assisté"," euthanasie", "directives anticipées" : "Ah non, c'est pas clair du tout !", reconnaît-elle. "On voit bien qu'il y a un gros déficit d'information, il faut remédier à ça, c'est clair, on en a besoin. Mais en même temps, vous ne pensez pas à la mort tous les jours. C'est tout le paradoxe de la mort. On va tous mourir un jour, on va être confronté à des situations de fin de vie, mais en même temps, il faut vivre et du coup on n'y pense pas."

Elle dit ne pas craindre que les recommandations de la convention citoyenne sur la fin de vie soient peu suivies, à l'instar de celle de la précédente convention sur le climat. Mais elle établit un parallèle entre la contestation sociale contre la réforme des retraites qui se déroulait en même temps que les débats au CESE. "Je trouve que ça pose la question de la légitimité. [...] Vous aviez d'un côté des millions de Français dans la rue, des gens qui se mobilisent contre un projet de loi parce que ça les indigne, parce qu'ils le trouvent injuste et qui s'organisent derrière le corps social pour exprimer quelque chose. Mais face à ça, on leur dit : vous n'êtes pas légitimes parce que vous n'êtes pas élus.[...] Dans le même temps, vous avez une assemblée de citoyens tirés au sort, qui travaille sur un sujet difficile, à qui on dit vous êtes légitimes, mais pas totalement parce que vous êtes tirés au sort et moi, je suis élu."

"Se respecter de manière ultra apaisée"

Renouer avec une possibilité de débattre à fond entre citoyens, c'est ça l'important pour elle : "Ça a permis de poser le sujet dans le débat public et surtout, et c'est ça qui est très important, c'est que ça a permis de montrer qu'on peut parler de ce sujet hyper intime, hyper sensible. En se respectant de manière ultra apaisée. Franchement, c'est une grande leçon. En fait, c'est ça qui est hyper puissant avec cette convention."

Le gouvernement doit présenter son projet de loi sur l'aide active à mourir d'ici l'été. Quant à Emmanuel Macron, il ne s'est pas avancé publiquement sur le sujet.

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