Ils ont fait l'actu. "Je ne sais plus ce qu'on doit faire pour être entendu", alerte Thomas Brail, militant écologiste, figure de la lutte contre le projet de l'A69

Cet homme de 49 ans est connu, notamment, pour son opposition au projet de l'A69, après une grève de la faim et de la soif. Connu aussi pour se percher dans les arbres pour les protéger. Il explique que s'il se bat, c'est avant tout pour ses enfants, pour leur avenir.
Article rédigé par Sandrine Etoa-Andegue
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Le militant écologiste Thomas Brail, à Paris. (SABDRINE ETOA-ANDEGUE / FRANCEINFO)

Les joues creuses, devant 300 de ses soutiens à Toulouse, Thomas Brail, déjà en grève de la faim contre le projet de l'A69, annonce, le 4 octobre 2023, qu'il va aussi entamer une grève de la soif dans les jours prochains. Il prévient, "une grève de la soif et il vous reste trois jours à vivre, tout simplement." Il dit espérer "qu'au pays des droits de l'homme, on ne va pas laisser mourir quelqu'un pour ses idées". En septembre dernier, toujours contre l'autoroute A69 entre Toulouse et Castres dont les travaux ont déjà démarré, il a tenu perché dans un platane face au ministère de la Transition écologique à Paris pendant plusieurs semaines et sera évacué, très affaibli, par les forces de l'ordre.

Grimper dans les arbres pour les protéger ou protester contre un projet qu'il estime nuisible à l'environnement, c'est la marque de fabrique de Thomas Brail, 49 ans. Cet arboriste-grimpeur, originaire du Tarn, a mis son métier entre parenthèses et au service des causes qu'il défend, quel qu'en soit le prix qu'il paie encore aujourd'hui. "J'ai mis trois ou quatre mois, après la grève de la faim, avant de remettre mon entreprise en route. Bien entendu, il y a des dégâts, physiques, psychologiques et financiers. Mon salaire a été divisé par quatre. Ma vie de famille a explosé en 2019 quand j'ai passé 28 jours devant le ministère de la Transition écologique. Dans les luttes, il y a de la casse".

"Parfois, j'obtiens des rendez-vous au forceps"

Thomas Brail, à la silhouette élancée, raconte avoir perdu "onze kilos en 40 jours de grève de la faim" et affirme toujours ressentir des séquelles. Il confie avoir mal "un petit peu mal dans le corps". "Je pense que j'ai accéléré ma vieillesse", plaisante-t-il. Pour autant, il ne se plaint pas du tout : "C'est un choix personnel qui a été fait". "J'ai la chance d'avoir un mental d'acier depuis que j'ai fait le service militaire, raconte-t-il. Ça m'a appris beaucoup de choses sur comment arriver à se dépasser, à dépasser son corps. Comme un sportif, je pense, quand on sent que le corps est fatigué, en fait, c'est le mental qui prend le relais et on est capable d'aller bien plus loin. Tout ça s'est arrêté avec la grève de la soif parce que j'ai perdu connaissance. Et une fois que j'ai été à l'hôpital, j'ai vraiment arrêté parce que j'avais deux amis sur le pont qui étaient en danger".

Mais le jeu en vaut la chandelle, estime Thomas Brail. "Aujourd'hui, j'analyse ça tous les jours dans ma tête. Je ne sais plus ce qu'on doit faire pour se faire entendre. J'ai essayé de tout mettre en œuvre pour chaque fois essayer d'entrer en discussion avec les politiques. Alors parfois, j'obtiens des rendez-vous au forceps, parce que, quand on est devant le ministère, accroché là-haut et que les médias sont en bas, ça les dérange et ils nous reçoivent. Mais c'est terminé tout ça".

"Je ne peux plus laisser l'avenir de mon fils entre les mains de personnes qui nous mènent droit vers le mur."

Thomas Brail

à franceinfo

Thomas Brail s'appuie sur son association, le Groupement national de surveillance des arbres (GNSA) qu'il a fondée en 2019 et compte une soixantaine d'antennes et un millier de membres. La même année, il commet son premier fait d'armes. Après avoir appris que dans sa commune natale de Mazamet neuf platanes centenaires sont menacés d'être abattus, il s'installe dans l'un d'entre eux pour mettre la pression et en sauvera sept. C'est aussi pour la survie de ces arbres qu'il s'installera pour la première fois dans un arbre devant le ministère de la Transition écologique. "Quand j'ai fait cette grève de la faim, cette grève de la soif, j'ai reçu beaucoup de lettres de personnes qui étaient affligées, qui étaient tristes et qui me disaient, ne faites pas ça, vous avez un fils. Mais c'est parce qu'on a des enfants qu'on fait ça. Je ne trouve aucun plaisir à aller m'accrocher à des arbres. Ma passion, c'est être avec mon fils dans ma propriété qui est dans la nature, en plein milieu de la forêt, avec mes potagers, mes légumes".

Un engagement apolitique, dans les arbres et sur les planches

En ce qui concerne le projet de l'A69, on lui rappelle que les travaux validés par l'État en mars 2023 ont démarré malgré les multiples recours lancés par les associations. Il tient à rappeler que, selon lui, "les recours sur le fond ne sont pas traités".

"Les luttes sur le terrain sont utiles pour qu'à terme, on arrive au même résultat qu'à Notre-Dame-des-Landes ou Sivens."

Thomas Brail

à franceinfo

Quid des riverains et habitants qui, eux, soutiennent le projet d'autoroute, car il changera leur vie ? "Il faut s'informer plutôt que rester sur de vieilles idées, qui sont ancrées parce que ça fait 30 ans que tout le monde attend ça. Il faut se remettre en question. Qu'est-ce qu'on va donner à manger à nos enfants si on détruit toutes nos terres agricoles ?", interroge l'activiste écologique.

Pour se faire entendre, songe-t-il à se mobiliser aux côtés d'associations de défense de l'environnement aux méthodes plus radicales ? "Je les côtoie sur les luttes, ces mouvements - Les Soulèvements de la Terre, Extinction Rebellion - et je n'ai pas peur de le dire, je suis très admiratif de leur travail. J'ai envie de dire à tous ceux qui s'alarment : 'Méfiez-vous parce que si vous ne prenez pas les choses en main en tant que citoyen, si vous ne prenez pas conscience de ce qui est en train de se passer, demain, vous aurez peut-être vos enfants dans ces luttes-là et vous ne saurez même pas qu'ils y sont'. Je connais la fille d'un politique qui est habillée en noir pour ne pas être identifiée et qui se bat sur le terrain".

Thomas Brail répète être apolitique, même s'il a été approché par des figures de gauche venues le voir boulevard Saint-Germain à Paris quand il était perché face au ministère. "On m'a même proposé d'être eurodéputé. Je ne dirais pas de quel parti il s'agit, mais comme quoi, ce qu'on fait n'est pas anodin". Il a refusé d'être investi, "parce que ce n'est pas ma place", sans doute plus à l'aise dans les arbres et sur les planches de théâtre. Thomas Brail, qui a étudié le cinéma plus jeune, est monté sur scène pour la première fois cette année pour défendre un spectacle écologique : L'éloge de la forêt, qui revient en septembre à la Gaîté Lyrique à Paris.

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