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#NoTwitterDay : "Il n’y a pas de fatalité à ce que la plateforme d’Elon Musk se transforme en égout à ciel ouvert", estime Rudy Reichstadt

Le fondateur du site Conspiracy Watch, qui traque le complotisme sur les réseaux sociaux, est à l’origine de l’appel au boycott de X, anciennement Twitter.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié
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Rudy Reichstadt, fondateur du site Conspiracy Watch, le 27 octobre 2023. (FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

Une équipe de modérateurs réduite, un nouveau système de certification des comptes qui fait la part belle aux fake news. Depuis le rachat de Twitter, devenu X, par Elon Musk, le 27 octobre 2022, il y a un an, la désinformation vit ses meilleurs jours sur le réseau social. Une manipulation qui s’est encore amplifiée depuis le déclenchement de la guerre entre Israël et le Hamas. Alors que l’Union européenne a ouvert une enquête sur le rôle de X (mais aussi Meta et TikTok) dans la diffusion de fausses informations sur le conflit au Proche-Orient, un collectif français appelle à ne pas utiliser la plateforme vendredi pendant 24 heures. Rudy Reichstadt, qui traque les théories du complot sur les réseaux depuis 15 ans avec son site Conspiracy Watch, est, avec Tristan Mendès-France et Julien Pain, à l’origine de ce mouvement. 

franceinfo : Vous êtes l'une des personnalités à l'origine de ce mouvement #NoTwittterDay. Ce jour a été choisi car le 27 octobre 2022, il y a un an, Elon Musk a pris possession de ce qui était encore Twitter. Qu'est-ce qui a changé concrètement depuis ?

Rudy Reichsadt : Plusieurs choses. D'abord, l'équipe de modération qui n'était déjà pas très importante, il y avait moins de 2000 personnes qui s'occupaient de la modération physiquement de la plateforme, a été réduite de l'ordre de 80%. Il n'y a quasiment plus de modération sur Twitter. Ensuite, le système de certification a complètement été bouleversé. Pour les comptes qui étaient certifiés, il y avait une forme de fiabilité, on savait qui était derrière. Ils ont perdu leur certification au profit d'un système de certification payant de huit dollars par mois. Lorsqu'on est un compte de désinformation, on peut non seulement payer et se voir certifié et donc avoir une prime de visibilité algorithmique par la plateforme. Mais en plus, on peut monétiser son activité sur Twitter. On peut donc gagner de l'argent avec la désinformation. C'est quand même particulièrement inquiétant. 

Ces comptes avec ce badge bleu, selon la société News Gardes, sont les plus gros propagateurs de fake news. 

Ils sont à l'origine de trois quarts de la désinformation sur le conflit entre Israël et le Hamas. 

Elon Musk assure qu'il lutte contre les fake news.

Il y a de l'autorégulation qui est faite par toutes les plateformes, y compris par Twitter. Il y a effectivement des retraits par l'IA de contenus pédopornographiques, par exemple. Mais ça ne suffit pas à l'autorégulation. Il faut une régulation externe qui est une régulation démocratique. Et aujourd'hui, Twitter est la plateforme qui est la moins disposée à se mettre en conformité avec la loi européenne. 

Une régulation démocratique, c'est aussi ce qu'a voulu apporter Elon Musk avec un système de notes de contributions des utilisateurs de son réseau ?

 Absolument. Mais ça, ce n'est pas la démocratie.

"La démocratie, ce sont des citoyens. Nous décidons collectivement où nous mettons le curseur en matière de liberté d'expression. Si nous pénalisons ou pas la haine en ligne, le négationnisme, le racisme ou l'homophobie. En l'occurrence, nous avons des lois contre ça et elles ne s'appliquent pas sur Twitter. "

Rudy Reichstadt, fondateur du site Conspiracy Watch

à franceinfo

C'est tout ce qu'on demande à Twitter, qui s'est retiré ces derniers mois du code de bonne conduite de l'Union européenne en matière de désinformation. Tous les signaux qui sont pris par ces plateformes, sans même parler de l'empreinte numérique de son patron, Elon Musk particulièrement complotiste, sont des signaux très négatifs. 

Est-ce qu'un NOTWitterDay sert à quelque chose ?

Ça sert à prendre conscience collectivement que d'abord, il n'y a pas de fatalité à ce que cette plateforme se transforme en une sorte de cloaque indescriptible en matière de désinformation et en égout à ciel ouvert. Parce que c'est ça aujourd'hui. Ensuite ça sert à dire que nous, en tant qu'utilisateur, nous avons un pouvoir. Ce qui fait la richesse de Twitter, ce sont ses utilisateurs. C'est ça qu'on vient chercher sur Twitter. Donc on a un pouvoir pour dire: on n'a pas envie que cette plateforme prenne cette direction-là. On a envie de corriger ça. Quitte à se retrouver aujourd'hui ou demain sur d'autres plateformes. 

Pourquoi ne quittez-vous pas Twitter aujourd'hui ?

Quitter Twitter individuellement, en ordre dispersé, ça n'aurait aucun effet. Il faut créer un débat public sur tout ça. La désinformation, nous en payons tous, utilisateurs de Twitter ou pas, le prix. Nous payons la désinformation en matière de santé, en matière géopolitique, etc. Il n'y a pas de raison que les bénéfices reviennent à une plateforme qui ne respecte pas la loi. 

Comment oblige-t-on Elon Musk à respecter ses obligations de lutte contre la désinformation ? Est-ce que la réglementation européenne va assez loin ? Elle prévoit une amende pouvant aller jusqu'à 6% de son chiffre d'affaires mondial et, en cas de récidive, une interdiction sur le marché européen ? Est-ce suffisamment dissuasif ?

En tout cas, ça a le mérite d'exister. On verra si c'est dissuasif. Si des sanctions sont prises, elles le seront au mois de février prochain parce que nous sommes dans un État de droit, donc il y a des règles. Là, on est au cœur d'un bras de fer. 

Une étude Médiamétrie montre que l'audience mensuelle de X, anciennement twitter, en France progresse depuis le rachat d'Elon Musk. Quelque 20 millions de visiteurs uniques en août, c'était 16 millions avant le rachat. Comment l'expliquez-vous ? 

Notamment par le fait que tout le monde peut venir. Il y avait des dizaines de milliers de comptes qui avaient été déplateformés par Twitter, des comptes dangereux. Tous sont revenus. Il y avait une grande migration des complotistes en 2021, ils sont tous revenus et maintenant ils ont une audience captive à base de fausses informations, harcèlement, calomnie, diffamation. 

Une question plus personnelle Rudy Reichsadt, vous subissiez déjà des injures, des menaces antisémites sur les réseaux sociaux avant la guerre au Proche-Orient, est-ce monté d'un cran depuis le 7 octobre ? 

C'est monté d'un cran, mais je ne suis pas sûr que ce soit lié au conflit entre Israël et le Hamas. L'antisémitisme, les injures, la diffamation lorsqu'on travaille sur le complotisme, c'est malheureusement quotidien. 

Retrouvez cette interview en vidéo : 

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