Ouest France quitte le réseau social X : "On ne peut plus accepter une telle zone de non-droit", justifie le directeur de la publication du quotidien régional
François-Xavier Lefranc, directeur de la publication et président du directoire de Ouest-France, s’est dit ,mercredi 20 novembre sur franceinfo, "effaré qu'autant de politiques choisissent la plateforme X pour s'exprimer". Le directeur de la publication et président du directoire de Ouest-France, François-Xavier Lefranc, explique les raisons qui ont poussé le premier quotidien de France à emboîter le pas du journal britannique The Guardian et La Vanguardia en Espagne, en ne publiant plus ses contenus sur la plateforme X d’Elon Musk. "Il faut réfléchir à l'endroit où on pose ces mots quand on défend des valeurs humanistes. On défend la démocratie humaniste, on ne peut pas accepter une telle zone de non-droit, explique-t-il. Le journaliste a toutefois souligné "les efforts de l'Europe". Selon lui, le Digital Services Act (DSA) "a été une grande avancée". "Le droit est là, mais il faut maintenant l'appliquer", insiste-t-il.
franceinfo : Pourquoi Ouest-France a quitté la plateforme X ?
François-Xavier Lefranc : Ça fait longtemps qu'on réfléchissait à ce sujet. On avait d'ailleurs décidé de publier de moins en moins d'informations sur X. C'est le positionnement politique de Monsieur Musk qui a motivé cette décision, un homme extrêmement puissant, extrêmement riche, qui a fait le choix de la dérégulation totale sur son réseau. Ça devient un outil extrêmement dangereux qui diffuse beaucoup de fausses informations, mais surtout, qui détruit des personnes. C'est un espace sur lequel on se fait insulter, on se fait menacer.
Mais ce n’est pas nouveau ?
Nous, on défend la démocratie humaniste, et on ne peut pas accepter une telle zone de non-droit. Le droit s'arrête à l'entrée de X. C'est devenu une zone de non-droit. Vous ne pouvez pas faire valoir vos droits quand vous êtes un citoyen et que vous êtes attaqué sur X. Vous ne pouvez pas attaquer X parce que c'est un diffuseur qui n'est pas responsable de ses contenus, et vous ne pouvez pas attaquer les comptes anonymes puisque c'est très dur de faire lever l'anonymat. Nous avons accepté ça. C’est effarant !
Pensez-vous que cela peut pousser Elon Musk à plus de modération ?
Il s'en moque éperdument. D’ailleurs, l'objet ce n’est pas de convaincre Elon Musk, mais d'être en conformité avec ce que l'on défend. On doit se battre pour l'information vraie, pour l'information juste. On doit se battre pour la dignité des personnes. C’est le combat qu'on mène, et ça ne peut pas se faire dans un univers aussi dérégulé que celui-là. Toute société humaine a besoin du droit. Elle a besoin que le droit soit là pour encadrer, respecter les droits fondamentaux des personnes, et sur X, c'est devenu tout l'inverse.
"Je suis d'ailleurs effaré qu'autant de politiques choisissent la plateforme X pour s'exprimer. Il faut réfléchir à l'endroit où on pose ces mots quand on défend des valeurs humanistes et de démocratie."
François-Xavier Lefrancfranceinfo
N’est-il pas plus judicieux de résister de l’intérieur ?
On ne peut pas résister de l'intérieur. On peut rester sur X, ça ne changera strictement rien. La seule façon de régler cette question-là, c'est que le droit s'applique, et le droit ne s'applique pas sur X. Notre démocratie n'aurait pas dû l'accepter. Les responsables politiques, les médias, les journalistes, nous sommes nombreux à nous exprimer sur X. Il faut bien réfléchir sur ce qu'est devenu cet espace et ce que l'on défend. Ce qui est sidérant, c'est que les réseaux sociaux pourraient être de formidables outils de démocratie. Je trouve ça formidable que n'importe qui puisse prendre la parole, s'exprimer et porter sa parole loin, mais il faut de la régulation.
Cela signifie que Ouest-France ne se saisira plus de ce qui se dit sur X ?
On ne diffusera plus nos contenus sur X, et on a supprimé un certain nombre de comptes. Les salariés sont libres d'ailleurs d'avoir un compte ou pas, mais pas de faire référence à Ouest-France. Ce qui se dit sur X, ce qui se dit dans l'espace public, on l'écoute bien évidemment. Je ne juge pas les gens qui souhaitent s'exprimer sur X. Moi-même, je l'ai fait longtemps. Chacun est libre de le faire, mais nous estimons que nous avons autre chose à faire et nous préférons diffuser notre contenu dans d'autres process.
C’est un message que vous envoyez au gouvernement et à Bruxelles pour qu’ils instaurent un réel contrôle de X ?
Oui. Il faut souligner les efforts de l'Europe parce que le Digital Services Act (DSA) a été une grande avancée. Si l'Europe n'était pas là, ce serait encore pire. Mais malgré le DSA, des gens se font détruire tous les jours sur X. Il faudrait que la justice ait beaucoup plus de moyens pour avancer. Le droit est là, mais il faut maintenant l'appliquer. C’est ce que l'on demande.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.