Liberté de la presse : nos correspondants en Chine, en Egypte et au Mexique témoignent
Aujourd'hui, une personne sur sept dans le monde a accès à une presse. C'est le chiffre dévoilé par l'ONG Freedom House à l'occasion de la journée mondiale de la liberté de la presse, ce samedi. Une personne sur sept seulement. C'est le pire bilan depuis 1996.
Et pourtant, dans la plupart des pays du monde, des femmes et des hommes se battent pour faire exister une presse fiable et indépendante. C'est d'ailleurs à ces "héros de l'information" que Reporters Sans Frontières dédie cette journée mondiale. Comment travaillent ces journalistes ? Nous avons posé la question à trois correspondants de France Info.
En Chine , témoigne Philippe Reltien, "les organes de presse sont tous contrôlés par l'Etat et par le Bureau de la
Propagande qui fixe chaque matin le cadre dans lequel les journalistes doivent
parler de telle ou telle affaire, quels sont les mots ou les noms à ne pas
mentionner, quelles sont les fausses informations qu'il faut dénoncer et quand il
faut publier une information particulière".
"L'enquête du journaliste de la TV d'Etat est cadrée au millimètre,
parfois elle se transforme en caricature, en vrai reality show" raconte le correspondant de France Info à Pékin. "Le journaliste doit prévenir l'autorité
locale quand il va filmer les effluents rejetés la nuit dans les rivières.S'il
ne le fait pas, il risque d'etre battu ou jeté en prison."
En Egypte , "la situation s'est dégradée depuis le coup d'Etat de l'été dernier " témoigne Vanessa Descoureaux au Caire. "La presse n'a d'ailleurs pas le droit de parler de coup d'Etat, sous peine d'être accusée d'être pro-Frères musulmans. Il y a de plus en plus d'arrestations, d'intimidations. Notre sac est fouillé, le matériel est confisqué." Les journalistes égyptiens sont les plus menacés : "en janvier, un caméraman a tenté de filmer des affrontements, il a été aussitôt pris à partie. Un policier lui a dit : 'si tu continues, on dit que tu travailles pour al-Jazeera'. C'est la pire mise en danger. Il est parti en courant."
Au Mexique , " il y a eu 80 journalistes assassinés et 17 qui ont disparu ces 10 dernières
années" détaille Patrice Gouy, correspondant à Mexico. "Pour éviter de blesser la susceptibilité des cartels, du gouvernement
et des autorités, de nombreux journaux, surtout ceux de province, préfèrent ne
pas publier d'articles sur le trafic de drogue, la corruption, la collusion
entre cartels et pouvoir, par peur des représailles. Avec le temps,
l'autocensure s'est convertie en ligne éditoriale des médias qui préfèrent
garder le silence."
Et les ennemis ne sont pas forcément ceux qu'on croit : "La violence vient surtout des fonctionnaires
publics corrompus car l'impunité qui prévaut au Mexique leur permet de se
débarrasser sans risque des journalistes trop curieux. Dans les pays comme la Syrie, le
journaliste doit aller au cœur des dangers pour rapporter ce qui se passe, c'est un risque de proximité. Au Mexique, c'est un risque de contenu.
Le journaliste est assassiné pour ce qu'il raconte, pour ce qu'il dénonce. Et
c'est pour cela que le Mexique, qui n'est pas en guerre, est néanmoins le pays le
plus dangereux du monde pour les journalistes."
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.