J'ai 10 ans. Riad Sattouf : "Une enfance particulière"
L’invité de "J’ai dix ans" est un auteur, dessinateur de bande dessinée et réalisateur, Riad Sattouf dont le sixième tome des "Cahiers d'Esther" vient de paraître aux éditions Allary.
Riad Sattouf est d’origine française et syrienne. Son enfance singulière entre Orient et Occident, et sa double culture sont au cœur de son œuvre. Riad Sattouf est révélé au grand public dans les années 2000 grâce à sa série Pascal Brutal parue dans le magazine Fluide glacial. Avec L’Arabe du futur et les Cahiers d’Esther dont le sixième tome vient de paraître aux éditions Allary, c’est la consécration en France comme à l’étranger.
Au cinéma, il a notamment réalisé deux films, Les Beaux Gosses en 2009 et Jacky au Royaume des Filles en 2014.
La xénophobie elle s’exprime de manière différente, elle est plus ou moins extrême. Cette méfiance d’être élément étranger et d’arriver dans un environnement où l’on est cet élément étranger duquel on se méfie, c’est quelque chose que j’ai expérimenté très tôt.
Riad Sattouf, cinéaste, auteur, dessinateur de BD
franceinfo : "Particulière", c’est en ces termes que vous qualifiez votre enfance. Pourquoi ?
Riad Sattouf : Comme j’étais de deux origines, j’ai habité dans plusieurs pays. J’ai eu la chance d’avoir deux points de vue, sur deux façons de vivre différentes, et en même temps, très proches. Dans ces deux cultures, même si on sentait qu’elles avaient des différences, c’était surtout des différences économiques.
En Syrie, les gens étaient extrêmement pauvres. On habitait dans un petit village de paysans, dans la banlieue de Homs où les gens vivaient comme au XVIIe siècle. Il y avait l’électricité, avec beaucoup de coupures, et l’eau depuis très peu de temps. Et en Bretagne, la France étant quand même plus riche, il y avait de meilleures infrastructures, mais il restait des zones extrêmement pauvres, extrêmement isolées.
La voisine de ma grand-mère par exemple, elle vivait exactement comme au Moyen Âge. C’est vrai que d’avoir pu voir comme ça deux mondes parallèles, cela a été une expérience enrichissante.
Vous déménagiez au fil des postes de votre père. Il y a eu la Libye de Kadhafi, la Syrie de Hafez el-Assad. Vous avez grandi dans des univers où régnait la violence. Quels souvenirs de cette époque vous ont particulièrement marqué ?
Assez rapidement, il y a une chose à laquelle j’ai été confronté et qui m’a marqué, c’est se heurter au mur du groupe qui vous refuse tel que vous êtes ou met en doute ce que vous pouvez être. En Libye ou en Syrie, où les enfants ne me voyaient pas comme l’un des leurs, mais aussi en Bretagne.
Quand vous avez un nom un petit peu ridicule comme le mien qui est une blague, vous voyez bien que vous n’avez pas un nom breton. La xénophobie elle s’exprime de manière différente, elle est plus ou moins extrême.
Quel genre de petit garçon étiez-vous ?
À 10 ans, j’étais totalement obsédé par le dessin déjà, je voulais devenir auteur de bandes dessinées. On habitait dans ce petit village de Syrie et ma grand-mère bretonne m’envoyait des bandes dessinées par la poste parce qu’il n’y avait aucun livre, aucune bibliothèque, personne ne lisait dans ce village paysan.
Je n’avais et ne lisais que des Tintin, et je pensais que c’était comme le soleil ou comme le ciel, que cela existait de toute éternité. Un jour, j’ai découvert que c’était créé par un homme, qui s’appelait RG, que c’était une personne et qu’on pouvait faire des livres comme ça. À partir de cette révélation, je me suis dit que c’était ça que je voulais faire.
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