Jeux vidéo. "Shadow of the Colossus", les monstres sont en nous
Il est considéré l'un des plus beaux jeux vidéo de l'histoire. 13 ans après sa sortie, Shadow of the Colossus revient dans une version visuellement restaurée. Une claque.
Il était une fois, un jeune chevalier errant dans un monde parsemé de ruines antiques. Sur son noble destrier, le jeune homme porte sa belle, un cadavre malheureusement.
Une chasse grandiose
Et pour que son âme sœur revienne du pays des morts à celui des vivants, ce cavalier va pactiser avec une divinité dans une tour de Babel oubliée. Le contrat est homérique : armés d'un arc et d'une mince épée, l’écuyer doit abattre seize colosses.
Plaine ou désert, montagne ou marais, dans les airs ou sur terre, la chasse est grandiose, acharnée, répétitive aussi, chaque titan s'avançant telle une longue épreuve de force. Leur mort est à la fois un soulagement et un crève-cœur. Bienvenue dans Shadow of the Colossus, à jouer sur PlayStation 4.
Grâce à une restauration graphique de toute beauté, sur une télé 4k ou pas, Shadow of the Colossus du japonais Fumito Ueda fait aujourd’hui un retour remarqué, 13 ans après sa première sortie sur PlayStation 2. “Entre un jeu qui se vend bien”, mais oublié, et un jeu qui se vend peu, “mais reste dans les mémoires”, Ueda déclara à l’époque qu’il préférait la seconde option. Bonne pioche.
Au panthéon vidéoludique
Mais pourquoi ce Shadow of the Colossus s’est-il installé au panthéon vidéoludique au point de recevoir de meilleures critiques en 2018 qu’en 2005, alors que les fondamentaux du jeu sont identiques ? Parce que derrière son académisme de façade, son classicisme apparent, Shadow of the Colossus est une œuvre avant-gardiste.
Visuellement par exemple, il emprunte au peintre romantique allemand Caspar David Friedrich ce sentiment d’une humanité minuscule, écrasée par la nature ou par la dimension effrayante des titans à abattre.
Le joueur n’est pas le héros de ces lieux, c’est une petite chose bien frêle!
En feignant ensuite d’adopter les codes du roman de chevalerie, la lutte du bien contre le mal, l’épreuve de l’amour, autant de tartes à la crème incontournables du jeu vidéo jusque-là, Shadow of the Colossus leur tord en réalité le cou.
Le monstre n‘est pas celui qu’on croit et derrière la noble odyssée se cache un pacte faustien. Un désenchantement qui marqua la fin d’une époque, celle de l’insouciance des pixels multicolores et des méchants sans âmes. Un jeu vidéo s’avançait, fragile, comme une œuvre d’art et une œuvre morale. Une pièce de maître mieux acceptée aujourd’hui qu’hier.
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