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Economie : la stratégie gagnant-gagnant d'Emmanuel Macron à propos de la taxe sur les "super profits"

L’idée d’une taxe sur les "super profits" fait son chemin dans la classe politique, y compris dans les rangs de la macronie. L'édito politique de Neila Latrous.

Article rédigé par franceinfo - Neila Latrous
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Emmanuel Macron lors de l'interview présidentielle dans les jardins de l'Elysée, le 14 juillet 2022.
 (LUDOVIC MARIN / AFP)

C'est en train de devenir une question plus politique qu'économique. Alors même que le gouvernement temporise, Gabriel Attal sur franceinfo, mardi 19 juillet, n'exclut pas cette idée de taxe sur les "super profits", mais pas tout de suite, à la fin de l’année. Et encore si, et seulement si, les grands groupes n’ont fait aucun effort par eux-mêmes sur le pouvoir d’achat, et si, et seulement si, cela a du sens économiquement.

Et il n’a pas tort le ministre délégué aux Comptes publics : cette "super taxe" peut être de la poudre aux yeux. Dans le cas de TotalÉnergies, l’exemple qui revient le plus, le gain pour l’Etat risque d’être infinitésimal car l’essentiel des profits de Total est fait à l’étranger, dans des pays producteurs comme l’Algérie ou le Nigéria. Or, le groupe paie déjà à ces Etats ce qu’il leur doit.

La majorité... de la minorité

Et c'est donc une question politique qui se pose, avec, déjà, l’ébauche d’une majorité d’idées sur la question à l’Assemblée. Et ce texte, toute la gauche peut déjà le voter. La Nupes, ça fait déjà 151 députés. Et puis, il y a Marine Le Pen, qui a également proposé le mois dernier sur franceinfo de déposer un amendement pour prélever ce qu’elle a appelé "les profiteurs de guerre", terme utilisé d’ailleurs par Emmanuel Macron lui-même. Cela fait 89 députés de plus qui peuvent voter une taxe.

Plus surprenant, Olivier Marleix, président du groupe Les Républicains à l’Assemblée, a dit mardi 19 juillet n’avoir "aucune hostilité à ce que la loi mette davantage à contribution les pétroliers, si c’est nécessaire", y compris en taxant leurs “super profits”. Et voilà 62 députés de plus pour adopter une telle taxe.

Or, tous ensemble - LR, RN et les groupes de gauches de la Nupes -, ça fait 302 députés. Largement plus qu’il n’en faut pour imposer cette taxe, s’il le fallait, à un gouvernement réticent à la mettre en œuvre. Et voilà que le débat s’invite au sein même de la Macronie puisque douze députés Renaissance, le parti du président, ont, eux aussi, déposé un amendement au projet de loi “pouvoir d’achat” pour créer cette taxe. Une “contribution exceptionnelle de solidarité” sur les bénéfices des compagnies “pétrolières et gazières et des sociétés de transport maritime”, dont le chiffre d'affaires est supérieur à un milliard d'euros.

Le choix du président

De fait, Emmanuel Macron risque de ne pas avoir le choix. D'ailleurs, le débat lui profitera quelle que soit l’issue : soit les députés se mettent d’accord, puis la taxe est votée en des termes conformes au Sénat - ce qui ne va pas forcément de soi -, et Emmanuel Macron pourra s’en attribuer le mérite en disant : "J’ai entendu le Parlement, j’ai respecté ma promesse de nouvelle méthode fondée sur l’écoute". Et au passage, ce seront de nouvelles recettes, mêmes symboliques, pour un Etat fortement endetté.

Soit la taxe est rejetée, voire censurée par le Conseil constitutionnel. Et c’est la position du gouvernement qui l’emporte. La promesse de ne pas augmenter les impôts est tenue. Donc l’Elysée a tout intérêt à laisser faire. D’autant que ce débat a été relancé par Emmanuel Macron lui-même le mois dernier, en parlant des “profiteurs de guerre” au G7 en Allemagne. Il serait incompréhensible que son propos n’ait été qu’un commentaire sans conséquence pour ceux qu’il a lui même pointé du doigt.

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