Édito
La dissolution, un pari risqué : pourquoi Emmanuel Macron a-t-il franchi le pas ?

Au soir des élections européennes, le chef de l'État, confronté au score historique du Rassemblement national, a annoncé sa décision de dissoudre l'Assemblée.
Article rédigé par Renaud Dély
Radio France
Publié
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Emmanuel Macron annonce la dissolution de l'Assemblée nationale, le 9 juin 2024. (BERTRAND RIOTORD / MAXPPP)

Pourquoi Emmanuel Macron a-t-il pris la décision inattendue de dissoudre l’Assemblée Nationale ? D’abord, par esprit démocratique, celui d'un président désavoué dans les urnes, comme l’illustre la lourde défaite de Valérie Hayer, et qui choisit de redonner la parole au peuple. Voilà une attitude courageuse, gaullienne, que nul ne saurait lui reprocher, c’est ce que répète son entourage. La preuve, tous les leaders de l’opposition ont applaudi sa décision, de Marine Le Pen à Jean-Luc Mélenchon ou Éric Ciotti. Et puis, il l’a prise par tempérament. "Disruptif", c’est le mot magique du macronisme depuis l’origine, sa démission de Bercy à la fin de l’été 2016, sa première candidature élyséenne dans la foulée : de l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace.

Sauf que le Rassemblement national semble bien placé pour l’emporter au vu du score historique recueilli dimanche par Jordan Bardella, 31,5 %. Le RN est le grand favori des législatives dont le premier tour se déroulera dans à peine trois semaines. La majorité macroniste est en capilotade, les oppositions de droite et de gauche ne semblent pas vraiment prêtes à lui tendre la main. L’extrême droite est aux portes du pouvoir et peut même espérer une majorité absolue à l’Assemblée. 

Faire tapis avec un deux de trèfle, un coup de poker osé

Sans doute Emmanuel Macron mise-t-il sur un réflexe de peur d’une partie de l’électorat au moment de confier le pouvoir au RN, lors d’un scrutin bien plus décisif que des européennes-défouloir. Et puis le chef de l’État espère prendre de vitesse LR d’un côté et la gauche de l’autre. Celle-ci aura bien du mal à reconstituer une alliance crédible après s’être déchirée tout au long de campagne des européennes. Mais dans les deux cas, il est possible qu’Emmanuel Macron s’illusionne, d’une part sur la crainte que suscite encore le RN, et d’autre part qu’il sous-estime l’effet répulsif que sa personne provoque dans une bonne partie du pays. Alors le chef de l’État est un joueur de poker, c’est vrai, mais en l’occurrence, il fait tapis avec un deux de trèfle.

Sur le plan institutionnel, rien ne l’obligeait pourtant à dissoudre. D’autant qu’il s’agissait, à l’en croire, des élections européennes, "les plus importantes" depuis 45 ans que ce scrutin existe, à cause de la guerre en Ukraine et de la menace russe. Le chef de l’État brandissait jeudi dernier le risque d’un blocage de l’Europe. Or, bien qu’en progrès, l’extrême droite n’est pas en mesure de bloquer le Parlement européen. Pourtant, Emmanuel Macron tire des leçons nationales d’un scrutin européen, au risque de voir le RN accéder au pouvoir, lui, qui ne cesse de contester le soutien militaire et financier de la France à l’Ukraine. En décidant de dissoudre l’Assemblée, Emmanuel Macron n’a peut-être pas rendu service à son camp. Et sans doute pas davantage à l’Europe.  

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